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  • Images incandescentes. Amérique latine : violence et expression politique de la souffrance by André Corten and Vanessa Molina
  • Daniel Castillo Durante (bio)
André Corten et Vanessa Molina, Images incandescentes. Amérique latine : violence et expression politique de la souffrance, Québec, Nota bene, coll. Essais critiques, 2010, 213 p., 26,95$

Le livre Images incandescentes. Amérique latine : violence et expression politique de la souffrance cherche à faire l’état des lieux des conséquences négatives d’un développement économique insuffisant sur des couches sociales défavorisées dans certains pays de l’Amérique latine (Argentine, Mexique, Brésil, Vénézuéla, Chili, El Salvador). À l’aune de l’ « expression politique de la souffrance », il se propose ni plus ni moins de mesurer la violence à l’œuvre dans un conglomérat de pays fort complexes et, à bien des égards, très différents les uns des autres. Qui trop embrasse, mal étreint dit le proverbe qu’on pourrait appliquer à cet essai dont les auteurs, soit dit en passant, prennent beaucoup de libertés pour ce qui relève d’une recherche traditionnelle en la matière. Tout d’abord, les six pays cités plus haut ne peuvent tout simplement pas à eux tous seuls « représenter » un continent dont la richesse et la variété historico-culturelle exigent une approche plus rigoureuse, et surtout moins impressionniste. En effet, André Corten et Vanessa Molina font appel à une méthode pour le moins approximative lorsqu’il s’agit de fonder épistémologiquement le concept d’expression politique de la souffrance. La théorie ne serait-ce qu’implicite susceptible de sous-tendre les enjeux posés par la violence politique est ici totalement absente. Des « récits de vie » construits à partir d’entrevues effectuées plutôt at random en 2006 aboutissent à des portraits de personnages censés incarner la « souffrance » est en question. La part de subjectivité accordée au chercheur (lui-même projeté dans le texte avec le statut d’un personnage venu du Canada observer sur place cette « souffrance » en quelque sorte instrumentalisée par une méthodologie qui, elle-même, relève au [End Page 831] demeurant d’une certaine violence. Songeons ici aux réflexions, voire à la critique développée par le philosophe Jacques Derrida par rapport aux travaux sur le terrain au Brésil de l’anthropologue et ethnologue français Lévi-Strauss) qui se révèle trop grande et parfois carrément déterministe :

Les portraits de ce livre reconstituent eux aussi des mondes, ouvrent des fenêtres sur eux. Du moins sur des morceaux. Ils racontent les manières des habitants des zones populaires : les contradictions dans lesquelles s’engouffre Rufina, la nonchalance rieuse de Juan, le torse bombé de Marcial, la sérénité de Carlota. Ils racontent des personnages et des lieux mythiques qui parsèment la littérature romanesque : la résistance ultime à Canudos au Brésil, la sauvagerie séductrice de la doña Bárbara vénézuélienne, la trahison de la révolution mexicaine.

Cette tendance à psychologiser les personnes interviewés est fort problématique dans la mesure où le chercheur fait principalement la part belle à l’ensemble des grilles topiques littéraires extraites pour la plupart d’une lecture au premier niveau du canon littéraire latino-américain (Rómulo Gallegos, Rulfo, Arlt, Borges, Jorge Amado, Sábato, Puig, Donoso, Isabel Allende, etc.). Dans ce livre, tout se passe, en effet, comme si les portraits de Rufina, de Marcial, de Carlota et de tous les autres devaient se conformer aux images préconstruites des personnages littéraires. Mais là où le bât blesse, c’est que l’herméneutique appliquée aux œuvres littéraires manque elle-même de subtilité et ne repose sur aucune lecture un tant soit peu rigoureuse. S’ajoute à cela une absence de transition entre la culture populaire spécifique dans laquelle évolue le sujet objet de l’interview et l’œuvre littéraire qui, elle, répond à des contraintes fort différentes que le livre ne se donne pas du tout la peine d’aborder. Le phénom...

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