In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Des pas sur la page. L’écriture comme chemin
  • Hans-Jürgen Greif (bio)
Marité Villeneuve, Des pas sur la page. L’écriture comme chemin, Montréal, Fides, 2007, 141 p., 19,95

Dès le début de son essai, l’auteure, qui a travaillé longtemps comme psychologue et a organisé de nombreux ateliers d’écriture, se présente [End Page 450] comme Gestaltiste de l’école américaine, dans la lignée des Friedrich Salomon Perls, Michael White, ainsi que de penseurs comme Gaston Bache-lard et James Hillman. Avant de poursuivre, il faut cerner la notion de Gestalt, issue de la phénoménologie de Hegel. Vers 1890, Christian von Ehrenfeld ainsi que plusieurs autres thérapeutes reconnurent les qualités immanentes d’une thérapie basée sur la notion de « Gestalt » (le terme allemand signifie « forme », en concordance avec le sens de « morphé » en grec et de « forma » en latin). Pour aller au plus court, on peut dire que la théorie Gestalt ne se contente pas d’analyser uniquement les éléments psychiques livrés par le sujet, comme ses sentiments, par exemple, mais qu’elle prône une totalité originelle. C’est ce concept qui fut développé d’abord sous le terme de « Gestaltpsychologie » par l’école berlinoise (Wertheimer, Koffka, Lewin, Köhler) et, plus tard, par la « Ganzheitspsychologie » (c’est-à-dire la « psychologie comme totalité ») de l’école de Leipzig (avec Krueger, Klemm, Volkelt, Sander et Wellek, entre autres). Depuis 2000, Marité Villeneuve ressentait le besoin d’aban-donner les séances de thérapie et de se consacrer entièrement à la pratique de l’écriture (dont est issu le présent essai). Dans un premier temps, c’est le psychanalyste jungien James Hillman qui lui servit de guide pour explorer des fragments de vie ou de rêve : « S’intéresser à l’histoire des gens est plus important que mettre l’accent sur leurs symptômes. [. . .] Parfois même, c’est son histoire et non la personne qui a besoin d’être soignée : son histoire a besoin d’être réimaginée à neuf. » Et Villeneuve conclut : « C’est au thérapeute qu’il revient d’en trouver la poésie et la forme dramatique. »

Hillman a développé une approche accordant beaucoup de place au langage, puisque, selon lui, les mots utilisés par les psychologues ont perdu leur « résonance imagistique », alors qu’ils sont porteurs de sens. Autrement dit, et en poussant plus en avant leur théorie, la « vie peut être pensée, imaginée et exprimée. Elle ne peut être diagnostiquée, elle doit être contemplée, observée » (Hillman et Ventura, Malgré un siècle de psychothérapie le monde va de plus en plus mal, 1998, cité par l’auteure).

De Hillman à Boris Cyrulnik et son concept visant à exprimer l’indicible par une œuvre d’art (peinture, sculpture, écriture), il n’y avait qu’un pas. Selon Cyrulnik, « l’écriture rassemble en une seule activité le maximum de mécanismes de défense [face aux épreuves de la vie] : l’intellectualisation, la rêverie, la rationalisation et la sublimation. Elle permet en même temps de s’affirmer, de s’identifier, de s’inscrire dans une lignée glorieuse et, surtout, de se faire accepter tel qu’on est, avec sa blessure, car tout écrivain s’adresse au lecteur idéal ». Les prémisses de Cyrulnik aboutissent logiquement au raisonnement de Michael White qui considère que ses clients sont enfermés dans « un récit dominant non satisfaisant ». White procède alors à un travail de déconstruction de la version présentée par le client et lui montre comment réécrire [End Page 451] son histoire de manière différente, et surtout libératrice. On le voit : Bachelard et White se rejoignent dans leurs postulats. C’est cette voie que poursuit Villeneuve et qui l’amène à s’impliquer dans le processus de la création littéraire. Elle soutient ce qui suit : « Je crois que le bonheur, qui pousse sur les deuils et sur l’humus du passé, a besoin de fertilisants que sont le r...

pdf

Share