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  • Extraits de cafés. Flâneries en cafés montréalais. Récit, and: Ruelles, jours ouvrables. Flâneries en ruelles montréalaises. Récit
  • Patrick Bergeron (bio)
André Carpentier, Extraits de café s. Flâneries en cafés montréalais. Récit, Montréal, Boréal, 2010, 342 p., 25,95$
André Carpentier, Ruelles, jours ouvrables. Flâneries en ruelles montréalaises. Récit, Montréal, Boréal, 2005, 362 p., 29,95$

C’est une remarquable contribution aux représentations littéraires de Montréal que propose ici André Carpentier. Ruelles, jours ouvrables et Extraits de cafés sont les deux premiers volets de ce qui devrait devenir une trilogie lorsque le volume suivant, consacré aux parcs montréalais, verra le jour.

Carpentier n’en est pas à ses premiers pas de flâneur. Il s’était déjà révélé comme un digne successeur de Victor Segalen et de Nicolas Bouvier dans Mendiant de l’infini (2002), récit de ses pérégrinations au mont Kai-lash. Il pourrait d’ailleurs faire siens ces propos tenus par l’auteur de L’usage du monde : « Fainéanter dans un monde neuf est la plus absorbante des occupations » (Nicolas Bouvier, Paris, Payot, 1992 : 16). Carpentier, qui ne cesse d’apercevoir le mot œuvre dans celui de désœuvrement, se laisse tout entier absorber par le territoire qu’il foule de ses semelles, se rendant disponible aux sensations, aux idées et aux intuitions qui s’y présentent.

Cela dit, nul besoin d’un dépaysement comme celui procuré par le Tibet pour déclencher l’aventure. Un endroit aussi familier que Montréal, la ville natale de l’écrivain, possède tout ce qu’il faut pour exciter le flâneur, surtout si celui-ci trouve le moyen d’innover dans son approche de la métropole. Pour Carpentier, ainsi qu’il s’en explique au début de Ruelles, jours ouvrables, tout s’est produit par hasard : il croyait se remettre à l’écriture d’un roman mis de côté pendant la rédaction de ses « fragments nomades » sur le Tibet lorsque des randonnées dans les ruelles du nord de l’île, à des fins de documentation, l’ont entraîné vers un tout autre projet, dont sont issues ces quelque 700 pages de flâneries montréalaises.

On est alors frappé par une évidence : bien sûr, Montréal a souvent donné lieu à des évocations (souvent fort réussies) dans la littérature – on [End Page 446] n’a qu’à penser aux romans de Jean Basile, Michel Tremblay, Mordecai Richler, Régine Robin et Robert Majzels ou aux essais qu’Antoine Sirois, Gilles Marcotte et Pierre Nepveu ont consacrés à la question –, mais aucun écrivain ne peut être tenu pour le Balzac ou le Döblin de Montréal. Aucun écrivain n’a véritablement insufflé de caractère mythique à la ville aux cent clochers.

Représenter Montréal, si l’on en croit les écrivains, semble devoir consister à privilégier tel quartier ou telle rue, comme si la saisie parcellaire de la métropole était la réponse obligée au caractère désuni qui est d’ailleurs souvent reproché à son paysage architectural. Ce qui ne veut pas dire que « l’âme » de Montréal (en supposant qu’elle en ait une) ne peut pas être dégagée. François Bon, dans L’incendie du Hilton (2009), émet des considérations lumineuses à cet égard. Pour appréhender une ville, il faut selon lui en comprendre la structure et découvrir le territoire urbain en piéton naïf. Dans le cas précis de Montréal, Bon a perçu sa structure organique lors d’une impromptue plongée nocturne dans son ventre souterrain, racontée de superbe façon dans L’incendie du Hilton.

Pour Carpentier, l’appréhension passe plutôt par les ruelles (d’un tracé totalisant pas moins de 475 kilomètres !) et les cafés (établissements où il fait bon épier « l’ombre de l’Amérique »). C’est alors que l’on comprend ce qui manquait à Montréal : ce n’était ni de...

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