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  • Géné tique matérielle, génétique virtuelle. Pour une approche généticienne des textes sans archives
  • Jean Leclerc (bio)
Géné tique matérielle, génétique virtuelle. Pour une approche généticienne des textes sans archives, s. la dir. de Patrick Dandrey Québec, Presses de l'Université Laval, « Les collections de la République des Lettres, Symposiums », 2009, 335 p.

En littérature, l'approche généticienne consiste habituellement en l'étude des manuscrits préparatoires d'une œuvre avant l'impression qui érigera le texte au statut de produit fini et invariable. La création littéraire est ainsi envisagée comme un processus qui implique différentes phases allant du [End Page 475] premier jet aux dernières retouches, et passant par des étapes successives de correction, d'addition ou d'autocensure. Par l'accès aux brouillons, le critique peut alors « lire les ratures » significatives de l'auteur et tirer des conclusions sur ses manières d'écrire. L'état final de l'œuvre est ainsi bonifié par la compréhension de ses étapes antérieures, ses avant-textes servant à tisser la trame d'un organisme vivant, en perpétuelle transformation. Cette approche privilégie davantage les œuvres des XIXe et XXe siècles, puisque l'existence et la préservation des brouillons rendent non seulement cette recherche possible, mais tracent une distinction claire entre l'œuvre achevée et ses étapes préliminaires.

Dans ce contexte, les textes du XVIIe siècle appartiennent à une situation particulière, dans la mesure où les pratiques éditoriales amenaient les imprimeurs à détruire presque systématiquement les brouillons et les copies de travail, détruisant par la même occasion les notes ou les corrections autographes contenues sur la feuille. Le manuscrit possède par ailleurs un statut bien différent de celui des époques ultérieures. En effet, des scribes professionnels transcrivaient encore des textes à la plume pour être diffusés ou conservés, qu'on pense aux manuscrits colligés par Valentin Conrart ou aux manuscrits d'apparat offerts aux mécènes, comme dans le cas de l'Adonis de La Fontaine offert à Fouquet. Il serait donc abusif d'envisager ces objets comme des avant-textes à une œuvre finie ultérieurement, même si ces manuscrits marquent souvent plusieurs variantes face aux textes imprimés, ce qu'on observe dans les États et empires de la lune de Cyrano de Bergerac ou dans les Contes de Perrault. Et même quand on peut attribuer positivement le statut de brouillon à certains manuscrits, il n'existe pas nécessairement de texte final avec lequel on pourrait dresser des comparaisons, dont les Pensées de Pascal constitue l'exemple le mieux connu, l'auteur étant mort avant de pouvoir mettre la dernière main à son projet.

Il s'agit donc d'un tour de force que de vouloir appliquer les méthodes de la génétique textuelle aux œuvres du XVIIe siècle, du moins un défi très audacieux que relève avec brio cet ouvrage collectif coordonné et édité par Patrick Dandrey. Issu d'un cycle de conférences présenté à la Sorbonne pendant l'année universitaire 2002-2003, ce livre propose une véritable « révolution copernicienne » dans les approches généticiennes en contournant le problème du manque d'archives par des reconstitutions nouvelles des dossiers génétiques et une réflexion originale sur le processus de création littéraire selon les documents dont on dispose pour de telles analyses. C'est ce qui a motivé l'architecture de l'ouvrage en deux versants qui se répondent et se complètent, l'un autour de la génétique matérielle, l'autre autour de la génétique virtuelle, chacun formé de sept contributions et précédé de trois articles formant une solide entrée en matière. Il faut noter d'emblée que le choix des participants est [End Page 476] superbement équilibré entre des chercheurs chevronnés et de jeunes doctorants prometteurs. De plus, les sujets couvrent ce que l'on...

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