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Reviewed by:
  • Généalogie du roman. Émergence d'une formation culturelle au XVIIe siècle en France
  • Catherine Dubeau (bio)
Michel Fournier , Généalogie du roman. Émergence d'une formation culturelle au XVIIe siècle en France. Québec, Les Presses de l'Université Laval, Les collections de la Républiques des Lettres, Études, 2006, 323 p.

Pour les lecteurs (post)modernes que nous sommes, il est malaisé de comprendre ce qu'a pu signifier l'avènement du roman dans la société française du XVIIe siècle. Cette tranquillité que nous ressentons aujourd'hui au moment de tourner les pages de nos histoires favorites, sû rs de rester amarrés au port lorsque notre imaginaire largue les amarres, cette confiance, disions-nous, n'allait pas de soi à l'âge classique. On oublie, en effet, qu'il fut un temps où la puissance et la liberté communément prêtées au genre inquiétaient au moins tout autant qu'elles enthousiasmaient, et ce, parce qu'elles ébranlaient un ordre culturel non encore pr&eacuteparé à les accueillir. Dès lors, il faudrait un lot de réflexions critiques, de discussions, de prescriptions et bien sû r d'audaces pour donner forme au cadre, aux paramètres de création et de réception qui permettraient enfin d'aborder avec une relative sû reté ce voyage dans le « monde des romans », ce transport hors de soi, et d'en faire l'expédition populaire qu'elle allait devenir à compter du XIXe siècle. C'est à l'histoire de cette « prise en charge culturelle de l'expérience romanesque » qu'est consacré le présent essai. Fruit d'une thèse de doctorat soutenue en 2003 à l'Université de Toronto, et de recherches postdoctorales menées à l'Université Harvard, Généalogie du roman. mergence d'une formation culturelle au XVIIe siècle en France se concentre sur les années 1620 à 1680, soit celles de la définition et de la régulation du genre, amorcées avec Jean-Pierre Camus et Fancan, jusqu'au passage du roman héroïque au petit roman, ponctué par la parution de La Princesse de Clèves (1678). Quoique cette période de 60 ans soit susceptible de découpages en phases distinctes, Michel Fournier prend le parti de les analyser par le biais de la continuité plus que de la rupture, en montrant notamment combien les exigences rattachées à la vraisemblance, à la finalité morale et à l'unité d'action ne cesseront pas d'occuper écrivains et lecteurs. L'auteur cherche également à renouveler l'approche en quittant les angles traditionnels du genre ou de l'histoire de la critique, pour envisager son objet selon le paradigme de la « formation culturelle » (tel qu'il est défini par Daniel Defert : « an area of culture, of knowledge, and the practices which structure and are supported by it ») et proposer une véritable « anthropologie de la fiction ». Est restitué l'ensemble des discours et champs de savoir qui ont progressivement donné sa forme au récit romanesque dans le cadre épistémologique classique : « Le roman est ainsi un objet de savoir qui se constitue à la croisée d'un ensemble de discours : poétique et rhétorique, mais aussi historique, philosophique, clérical et anthropologique, voire médical (à travers la question des [End Page 573] passions). En participant à la constitution de cet objet, différents discours cherchent à réguler les pratiques de lecture et d'écriture qui déterminent l'expérience romanesque. On assiste alors à l'émergence, ou du moins à la consolidation, d'un nouveau dispositif par lequel la puissance romanesque n'est plus seulement condamnée, mais prise en charge par une culture, entre autres, à travers la médiation du discours critique. » Ainsi compris, le roman peut être étudié comme un objet façonné de manière à endiguer cela même qui lui conférait une aura menaçante : « Si le roman est le lieu où s'exprime une force (excès, liberté), il est aussi le cadre qui la circonscrit. L'expérience romanesque se situe alors à la rencontre d'une force, que l'on...

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