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Reviewed by:
  • Pour suivre un époux. Les récits de voyages des couples au XIXe siècle
  • Manon Brunet (bio)
Margot Irvine , Pour suivre un époux. Les récits de voyages des couples au XIXe siècleQuébec, Nota bene, coll. Les cahiers du XIXe siècle, 2008, 238 p., 24,95$

Cet ouvrage se donne comme objectif d'analyser la socio-sexuation des représentations et des styles d'écriture de huit récits de voyage féminins du XIXe siècle pour lesquels la version de l'époux que ces femmes franco-phones (Françaises, Suisses) accompagnent est aussi disponible. Prenant une distance critique par rapport à la méthodologie des gender studies, la chercheure justifie le choix de son corpus bicéphale, de préférence à des récits de voyage en solitaire qui seraient des exceptions pour l'époque, [End Page 535] en arguant que la comparaison permet effectivement de mieux percevoir les spécificités féminines de la façon de vivre et de communiquer l'expérience d'un voyage commun qui s'étale souvent sur plus de deux ans, entre 1818 et 1892. L'auteure prend la peine de situer les différences en relation avec les attentes institutionnelles de la rhétorique féminine, surtout journalistiques, populaires et touristiques de l'époque (comme Le tour du monde, les « bibliothèques des gares »). Les curiosités, les goû ts et les jugements personnels des voyageuses sont aussi relevés, lesquels participent tout de même, eux aussi, d'une norme idéologique et esthétique.

L'analyse est présentée en trois parties, mettant bien en évidence, dans les passages cités, les récits de voyage féminins, contrairement à ce que laisse supposer le sous-titre de l'ouvrage. Le premier chapitre est le plus intéressant. On y découvre comment se fait le partage de l'écriture du récit d'un même voyage, dont les observations ne serviront ni aux mêmes fins ni aux mêmes publics. Dans la plupart des cas, les voyages sont faits dans le cadre de missions scientifiques réalisées par l'époux en dilettante (les Barbey) ou parrainées par le gouvernement ou des associations (les Chantre, De Freycinet, De Ujfalvy-Bourdon, Dieulafoy, Hommaire de Hell), exception faite des Beck-Bernard et des Bonnetain qui séjournent les uns, en Argentine, les autres au Soudan. Les recherches botaniques, géographiques, géologiques, historiques, anthropologiques et archéologiques sont menées surtout en Orient (Russie, Perse) alors que les De Freycinet voyagent sur l'Uranie pendant deux ans dans les terres australes de l'hémisphère sud. Si le deuxième chapitre revient plus en détail sur le rapport de la voyageuse à la science et sa contribution scientifique, le premier chapitre nous apprend déjà la place des épouses réservée sur le terrain et leur vision de la science. La narration féminine est socio-sexuée tout comme le serait l'activité d'une femme demeurée au foyer. Tandis que le voyageur décrit les lieux, mène des enquêtes sociales ou géo-historiques, renseigne en utilisant une terminologie scientifique, en créant des tableaux statistiques, la voyageuse divertit les futures voyageuses, tout en accordant une authenticité aux travaux de terrain de son époux. Le pittoresque sert à l'« exploration sociale », à rendre compte du quotidien des voyageurs en caravane et de celui des autochtones parfois même mesurés au compas anthropologique (De Ujfalvy-Bourdon, Chantre). Cette poétique du pittoresque exploite des thématiques romantiques, comme l'image des femmes à la fontaine, celles du luxe, du calme et de la volupté à l'orientale. Étant donné le contexte colonial du XIXe siècle, il est très intéressant que Margot Irvine se serve des récits féminins pour montrer le degré d'altérité qui sépare les voyageuses des non-Européennes. Les contrariétés et les contrastes culturels y abondent. Si, par exemple, Raymonde Bonnetain exerce sans ménagement sa supériorité sur sa jeune esclave achetée, Adèle [End Page 536] Hommaire de Hell...

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