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Reviewed by:
  • Escale océan
  • Evgenia Timoshenkova (bio)
Guylaine Massoutre , Escale océan. Montréal, Éditions du Noroît, coll. Chemins de traverse, 2003, 105 p.

Voyager livre en main, lire sur place - la pratique est chère au XIXe siècle. « Arrivè au nord de la ville, entre la grotte de Jérèmie et les Sèpulcres des Rois, j'ouvris La Jèrusalem dèlivrèe [. . .] » du Tasse, ècrivait Chateaubriand dans son Itinèraire de Paris à Jérusalem. Deux siècles plus tard Guylaine Massoutre - professeur, critique et auteure qui a remportè le prix Raymond-Klibansky pour son ouvrage Hubert Aquin : Point de fuite (1995) et celui de la Spirale-Eva-Le-Grand pour son essai sur la danse, L'atelier du danseur (2004) - se fait « lectrice en voyage ». Guidèe par le désir de « sentir l'encre des rêves littéraires à même leurs lieux génèriques », elle rèinvente, à sa manière, un art de voyager, livre en main, qui nous rappelle celui des voyageurs romantiques.

Chevauchant le carnet de voyage, le reportage journalistique et la notice bibliographique, les essais, réunis sous le titre Escale ocèan, cherchent à explorer les « Lieux de mèmoire » (pour emprunter ici le titre initial sous lequel ils ont èté publiés en série dans Le Devoir durant l'été 2002), en proposant de faire escale dans les demeures (maisons, jardins, alentours) de neuf ècrivains du XXe siècle : Gabrielle Roy, Anne Hébert, Marie-Claire Blais, Marguerite Yourcenar, Julien Gracq, Pierre Loti, Marcel Proust, Gabriele D'Annunzio et Nícos Kazantzákis.

Divisè en neuf chapitres relativement brefs, Escale ocèan s'ouvre sur une présentation auctoriale qui relate succinctement la genèse des essais, ébauche les destinations géographiques et glose sur le titre en donnant aux textes le relief et l'intérêt qu'ils méritent. La double connotation du titre serait à signaler en particulier. Au sens premier, littéral et immédiat du mot ocèan (en effet les demeures visitèes par Massoutre se trouvent des deux cô tés de l'océan Atlantique, en Amèrique du Nord comme en Europe), vient se joindre un second, mètaphorique et révèlateur, puisé chez Julien Gracq qui parlait de l'« ocèan intérieur unique ». Or, ce sont certes les lieux géographiques, mais davantage encore les territoires, les îlots de création émergeants du vaste « ocèan » de l'Imaginaire qui reprèsentent les destinations ciblées par Massoutre.

La première des neuf escales, «À mi-chemin entre ciel et terre », se fait à Petite-Rivière-Saint-François, dans une modeste maison, entourèe d'un jardin fleuri - logis où prennent fin les vingt ans d'errances de Gabrielle Roy, cet ècrivaine qui n'a cessè de voyager entre 1936 et 1957. C'est dans ce tranquille « refuge » que voient le jour tous ses livres après La montagne secrète. Jalonné en abondance de dates et de noms de lieux, ce premier texte est un tendre et bel hommage à la mèmoire et au talent de [End Page 124] l'auteur de Bonheur d'occasion. Il est aussi un cri d'alarme, une convocation urgente à protéger cette « résidence d'ècriture ».

Les méandres de l'esprit voyageur d'Anne Hébert, que Massoutre s'attache à suivre dans son second texte « Songes en la demeure », l'emmènent au village de Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier. Elle y écoute le résonnement de ses lectures personnelles, lit et cite sur place les vers « uniques » que ces lieux ont inspirés. Sous la plume de la lectrice voyageuse, on voit se dèployer toute une géographie poétique du Quèbec hébertien, ce Québec flottant entre le réel et le fictif. Le paysage enneigé de Kamouraska, laisse place à la terre de l'imaginaire de Griffin Creek, puis au dècor romanesque des Chambres de bois associant la lumière de Sainte-Catherine à « l'ombre des oliviers » de la Cô te-d'Azur. Qui, Anne Hébert ou ses personnages, voient « au juste ce que les...

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