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  • Le roman vu par les romanciers, and: Les grandes disparitions. Essai sur la mémoire du roman
  • André Lamontagne (bio)
Le roman vu par les romanciers, s. la dir. d'Isabelle Daunais Québec, Éditions Nota bene, 2008, 190 p., 23,95$
Isabelle Daunais , Les grandes disparitions. Essai sur la mémoire du roman, Saint-Denis, Presses universitaires de Vincennes, Université Paris 8, coll. L'Imaginaire du texte, 2008, 129 p.

Les romanciers n'ont jamais été de grands exégètes de leur art, peut-être parce que la pratique de ce genre ouvert et protéiforme résiste à l'analyse globalisante. Il y a bien entendu des exceptions notoires, comme Gide et son Journal des Faux-Monnayeurs, les études-manifestes des nouveaux romanciers ou la magnifique trilogie essayistique de Milan Kundera, qui révèlent comment la réflexion des artisans peut se révéler féconde. Une équipe de recherche de l'Université McGill s'attache à dessiner une poétique du roman moderne à partir de ces écrits autoréflexifs. La pre-mière mouture de leurs travaux se donne à lire dans Le roman vu par les romanciers, un ouvrage collectif qui explore un corpus s'échelonnant sur près d'un siècle.

En lever de rideau, François Ricard met en lumière les rapports entre création et réflexion chez Milan Kundera, dont L'art du roman constitue l'œblématique d'une pensée de l'intérieur, d'un voyage dans le pays du roman. L'article de Ricard opère une distinction fructueuse entre pensée romancière et pensée romanesque. Michel Biron, pour sa part, prospecte la notion de « roman pur » chez André Gide. Retraçant l'influence de Jacques Rivière et de Dostoïevski sur Gide, cette étude fouillée s'intéresse aux principes de vie du roman, notamment la présence paradoxale de la monstruosité et du démoniaque dans le projet d'une écriture épurée. Longtemps tenu pour un écrivain mineur, écrivain remarquable certes, mais à la réputation d'amuseur, Marcel Aymé a esquissé, à travers des écrits critiques et des conférences, un être du roman dont Mathieu Bélisle reconstitue l'essence : gratuité, évanescence, captation plutôt qu'observation, une esthésie propre à rendre le mouvement et la mobilité de la vie. Pour comprendre la poétique de Julien Gracq, Isabelle Daunais recourt elle aussi au texte char-nière de Jacques Rivière intitulé Le roman d'aventure. Critique du nouveau roman et du roman existentialiste, Gracq voyait le roman [End Page 101] comme une série de conséquences narratives, faite de renoncement, de concrétude et de nouveauté - par opposition à un incessant désir de révolution. Le nouveau roman présente le rare cas, comme le remarque pertinemment Katherine Gosselin, d'un mouvement qui s'inscrit dès sa naissance dans un rapport négatif, mais constitutif à la tradition romanesque. Son article propose une comparaison instructive des histoires du roman traditionnel construites par Alain Robbe-Grillet, Nathalie Sarraute et Claude Simon dans leurs tentatives de distanciation. Cette vision téléologique de l'art se retrouve, d'une autre façon, chez François Mauriac, lequel sera toujours partagé entre le moi chrétien et le moi romancier, dichotomie dont Jonathan Livernois rend compte sous l'angle des rapports entre le sacré et le romanesque.

Le chapitre le plus polémique de l'ouvrage est signé Lakis Proguidis, directeur de la revue L'Atelier du roman, qui s'indigne de l'indifférence totale dans laquelle fut reçue l'œuvre non moins polémique de Jacques Laurent, Roman du roman (1977). Ici encore, l'enjeu de la pratique et de la réflexion romanesques semble être la tension entre l'art et la vie, qui culmine dans le divorce de la littérature et de la réalité à l'ère de la surthéorisation. Au terme d'une étude qui rapproche Proust de Virginia Wolf et de Nietzsche, Yvon Rivard, lui-même romancier et universitaire, nous invite à comprendre le travail de Marcel Proust sous l'angle du jaillissement de la vie à travers la...

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