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  • Poésie 2008
  • Daniel Gagnon (bio)

Pour lire la poésie parue chez les différents éditeurs cette année, plus besoin de multiplier les recueils des auteurs classés monuments historiques (bien qu'il en reste encore beaucoup). L'heure est aux excavations des cours d'honneur. Il semble que les éditeurs ont compris qu'il fallait commencer la restauration de l'édifice poésie, refaire le parquet et les charpentes, installer de nouvelles salles, de la climatisation, des jardins, de l'oxygène enfin. Les seuls acheteurs qui se présentent ne seront plus [End Page 37] des antiquaires ou des bibliophiles. Les jeunes poètes existent, et si scandale il y a, avant même la controverse que peut soulever leurs textes, c'est le scandale d'avoir tardé à les présenter au public. Ces jeunes poètes ont un style complet, cohérent, elles et ils sont les catalyseurs des envies, des manières d'être contemporaines. Ce sont des amis qui ne nous flattent pas la silhouette et ne donnent jamais trop confiance en soi, mais qui nous maintiennent en état d'alerte, nous troublent avec audace. Cela n'empêche pas une discrète pudeur, et débarrasse la poésie du côté voyeur, le côté habillé de glamour et de chic de la poésie merchandising des grands prix inoxydables et des dîners d'État.

Pourquoi les jeunes écrivent-ils de la poésie alors même qu'ils sont armés pour affronter le marché du travail? Quels espoirs placentils dans ce rêve antique de vivre en poésie, sont-ce des espoirs qui ne pourraient être entretenus dans la vraie vie? Le discours des jeunes poètes que nous retrouvons dans la production de cette année est comme un miroir tendu à la société marchande. L'image qu'il reflète se révèle peu flatteuse. On sent que ces nouveaux poètes ont une revanche à prendre, ils sont motivés, ils se sentent soudainement pleinement eux-mêmes et trouvent leur place dans la masse des parutions. On dénombre de plus en plus de poètes, temporaires ou permanents; ils sont aujourd'hui des centaines, mais il y a un nombre de places limité et leurs livres ne vivent que quelques mois à peine après leur parution en librairie. Mais ce n'est rien à côté de leur ras-le-bol, de leur rejet, de leur dégoût même du discours environnant. Ils étouffent dans la vie de tous les jours, vie stéréotypée, vie en usine, vie à la chaîne! Quand ils se présentent comme poètes, il y a tou-jours une minute d'étonnement, il y a cette suspicion, on les regarde comme des animaux de zoo, on les pointe du doigt et c'est toujours comme si quelque chose ne tournait pas rond, comme si les poètes ne savaient pas coller à la réalité. Quelle réalité? Cette réalité justement, ils veulent la dire autrement que dans les compagnies, ils veulent changer cette mentalité barbare de l'entreprise, ces visions d'entrepreneurs, ils veulent fuir la méritocratie où l'on grimpe les échelons vers de vides sommets d'amertume et où l'air se raréfie au point où l'on ne peut plus voler même en ouvrant tout grand ses ailes. Il s'agit de retrouver une vraie source d'énergie, d'établir un ordre poétique plus juste, au delà des conventions surannées. Ces voix peuplées de songes et de littérature qui surgissent des recueils, denses et vulnérables, sont si remarquables qu'on regrette qu'elles ne soient pas plus entendues, lues, traduites.

Au delà des Conventions Surannées

Les jeunes poètes font preuve de beaucoup d'humilité et reconnaissent, à rebours des discours néantisés des technocrates de la poésie, que la solution n'est pas de porter à leur cou les chaînes de leurs parents. La [End Page 38] relève annoncée des poètes, par la lutte en première ligne, est consciente de sa tache. La raillerie...

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