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  • Nouvelle1
  • Michel Lord (bio)

Dans la vingtaine de recueils de nouvelles reçus, je constate une tendance légère, soit celle d’auteurs à la retraite qui se mettent à publier des nouvelles. C’est le cas en 2007 de Pierre Crépeau et de Nicole Fontaine, qui s’en tirent honorablement. D’autres, jeunes et moins jeunes, excellent dans l’art difficile du faire narratif bref. Certains pratiquent toutefois le métier de manière poussive, croyant sans doute se lancer dans une entreprise facile. Ce n’est certes pas le cas des Esther Croft, Robert Lalonde, Suzanne Myre et d’un étonnant André Lamontagne, oublié l’an passé et dont je tiens à commenter le recueil cette année. En fin de parcours, j’ai choisi de rendre compte d’un recueil d’essais d’André Carpentier, maître dans le genre bref, et qui peut nous rappeler que le genre a ses exigences.

L’écoulement du temps ne rime pas avec bonheur dans Le reste du temps, quatrième recueil d’Esther Croft. Plutôt avec la fatalité, la mort, le chagrin d’avoir perdu un être cher et même le désir de disparaître, tant la vie est insupportable pour certains des personnages tragiques de Croft. L’univers est donc sombre, contrastant comme chez Aude avec la luminosité ou la transparence de l’écriture, une écriture portant toutefois sa charge émotive.

Ainsi, dans « Réparation », un médecin revient au pays natal à Québec, comme en un pèlerinage en hommage à une femme, morte trop jeune dans un accident de voiture. Il refait le trajet de leurs amours, le campus universitaire, la faculté de médecine où ils ont étudié ensemble, le Vieux-Québec, puis il se rend au cimetière, avant de retourner dans l’Ouest canadien où il pratique. Ce résumé, comme tous ceux que l’on pourra faire, ne rend pas compte de l’émotion contenue dans chaque phrase du parcours de cet homme toujours éprouvé par la disparition de l’aimée, des années après la tragédie. C’est la crainte de perdre un être cher, mais à qui on en veut qui est représenté dans « Le père de son fils ». Un père, Ministre de l’éducation, attend à l’aéroport le retour de son fils en provenance du Mexique. Il a été arrêté pour possession de cocaïne, lui, le garçon rebelle qui a toujours déçu son père, qui décide de lui faire payer cette dernière gaffe. Mais on annonce que l’avion est en détresse. Le père bouleversé change de sentiment envers son fils, et accourt auprès de lui lorsque l’avion se pose finalement sur la piste. Il en est de même dans « De chaque côté du lit », où cette [End Page 488] fois, un couple séparé veille le corps de leur fils adolescent plongé dans le coma après une chute en planche à neige. Leur fils était leur seul pont. Lentement, ils réapprennent la tendresse et à la fin semblent redevenir amoureux.

D’autres personnages vivent, mais dans un constant sentiment de leur infériorité par rapport aux attentes de la société, des parents ou d’un être aimé. « Évelyne Côté-Simard », dans la nouvelle qui porte son nom, est de ceux-là, qui, jeune fille déficiente légère, souffre de ses incapacités, de la méchanceté du regard des autres, de ses parents comme de ses camarades de classe. Elle demeure fière, mais la vie lui est insupportable. Elle tente de se suicider en se jetant en bas d’un pont, mais elle survit, se composant un autre personnage à l’urgence de l’hôpital. Elle demeure hantée par la mort, le désir de disparaître. Son cas est similaire à l’homme malade, dans « Au pied du mur », qui craint de se faire amputer les jambes. L’une, il ne la sent plus, et l’autre s’en va. Il rumine ses malheurs, sa relation humiliante avec sa femme qui le maintient, croit-il, toujours en position d’inf...

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