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Reviewed by:
  • Dans un pays colonisé
  • Corinne Beauquis (bio)
Ginette Pelland, Dans un pays colonisé. Trois-Pistoles, Éditions Trois-Pistoles, coll. Écrire, 2004, 199 p., 18,95$

La collection « É crire » propose aux écrivaines et écrivains québécois de « révéler leurs secrets professionnels : pourquoi ils écrivent et comment ils sont devenus écrivains, où ils vont chercher leur inspiration, ce qu’ils aiment (ou détestent) de leur métier » (deuxième de couverture). C’est cette toute dernière proposition qui motive ici la réflexion de Ginette Pelland, essayiste, qui a commencé à publier en 1993 et a été finaliste pour le prix du Gouverneur général du Canada en 1994.

Avec une citation du rapport Durham mise en épigraphe, Pelland plonge le lecteur dans le contexte historique de la double colonisation du Québec, une colonisation initiée par les Français et poursuivie par les Anglais, dont le poids pèserait encore sur le peuple québécois et ses institutions. En cinq chapitres de longueur inégale, Pelland revisite la rhétorique du discours de la Révolution tranquille pour dénoncer la santé chancelante du marché du livre québécois en ce début de xxie siècle.

Dans le premier chapitre, Pelland tente de définir l’écriture en tant que projet humain qui pourrait se constituer et survivre en dehors de toute considération financière, dans sa dimension purement autotélique, ou mieux encore, dans ses visées d’affirmation identitaire. Celui pour qui l’écriture est une vocation ne devrait pas, selon l’auteure, se laisser avilir par la promesse de bourses en guise de reconnaissance de son talent. Force lui est de constater toutefois que le livre circule grâce aux réseaux que le marché lui fournit, mais Pelland en dénonce les dysfonctionnements. S’il faut, selon l’auteure, constater une baisse générale du nombre de lecteurs, le livre québécois souffrirait en outre du « colonialisme culturel éhonté » que lui impose la France, détentrice des deux tiers du marché québécois. Souvenons-nous que déjà dans les années [End Page 585] 1970, plusieurs ouvrages ou documents s’inquiétaient de la santé du marché du livre au Québec : La bataille du livre au Québec : oui à la culture française, non au colonialisme culturel (Pierre de Bellefeuille, 1972), Étude sur le commerce du livre au Québec (Jean Paquin, 1976), Le Livre vert (1976) et Le Livre blanc (1978) n’en sont que quelques exemples. L’auteure déplore l’absence de souveraineté politique qui empêche l’écrivain québécois de « décoloniser la mentalité de son peuple, d’affirmer l’autonomie de son identité culturelle, pour redonner à ses compatriotes la fierté d’eux-mêmes, c’est-à-dire de leur culture ». Pelland en conclut que, pris dans une impasse, l’écrivain québécois signe son propre arrêt de mort chaque fois qu’il prend la plume.

Pierre Nepveu avait annoncé avant Pelland la mort de la littérature québécoise (L’écologie du réel, 1988), et alors qu’il reconnaissait l’importance de la littérature dite « migrante » dans le processus de revitalisation du champ, Pelland propose, quant à elle, dans un court deuxième chapitre, de se départir du joug de la France et de mettre fin à son « ingérence ». L’auteure reprend et développe l’argumentation du premier chapitre et souligne que, dans le champ littéraire, la France n’accorde, dans le meilleur des cas, que très peu de place aux livres francophones produits hors de l’Hexagone.

Le troisième chapitre, le plus long, propose de démontrer la résonance de l’argumentation du Portrait du colonisé d’Albert Memmi dans le contexte québécois actuel. Si Pelland n’innove pas, cette voie ayant été empruntée par plusieurs depuis la Révolution tranquille autant dans des essais que dans des créations littéraires, elle l’applique ici plus particulièrement au champ de l’édition québécoise. Comme l’avaient démontré de nombreux auteurs dont Pierre Maheu...

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