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Reviewed by:
  • Relire Juan Garcia
  • François Paré
Relire Juan Garcia, s. la dir. d'Isabelle Miron et Pierre NepveuQuébec, Éditions Nota bene, coll. Séminaires, 159 p.

Né à Casablanca au Maroc en 1945, Juan Garcia émigre au Québec à l'âge de 12 ans. De 1964 à 1967, année de son internement dans un hôpital psychiatrique en France, Garcia, alors étudiant, fréquente assidÛment les milieux littéraires nationalistes québécois. Sa rencontre avec Jacques Brault et Gaston Miron sera déterminante pour la fortune littéraire de son œuvre au Québec. En 1971, la revue Études françaises lui remet son prix annuel pour un recueil de poèmes s'intitulant Corps de gloire, œuvre rédigée en milieu asilaire et publiée au Québec. En 1990, le prix Alain-Grandbois couronne la parution d'une rétrospective des œuvres poétiques de Garcia, comportant d'autres textes écrits pendant l'hospitalisation du poète en France. Outre les dix années de présence à Montréal (certaines alors qu'il n'était qu'un enfant), Garcia n'est jamais revenu au Québec. Malgré deux reconnaissances institutionnelles assez importantes, son œuvre est aujourd'hui largement oubliée. Les articles rassemblés par Isabelle Miron et Pierre Nepveu, à la suite du colloque de 2005 à Montréal, visent à saisir la place assez singulière de cette écriture poétique dans le contexte de la littérature québécoise contemporaine et à susciter un nouvel intérêt pour l'écrivain migrant (écrivain de passage serait sans doute mieux dit) qu'a été Juan Garcia pendant quelques années.

Dans son ensemble et surtout dans le compte rendu de la table ronde qui lui sert de conclusion, cet ouvrage jette une lumière très intéressante sur l'effervescence intellectuelle qui a donné naissance au mouvement poétique de l'Hexagone à la fin des années 1950. L'attachement de Garcia [End Page 594] au Québec, même après des années d'internement en France, atteste de la vitalité exceptionnelle de cette mouvance dont Gaston Miron, Patrick Straram, Michel Beaulieu, Jacques Brault et d'autres ont été les acteurs principaux. Cet univers a profondément marqué le poète qui a visiblement toujours considéré le Québec comme son territoire d'écriture.

Dans sa préface, Isabelle Miron tente d'expliquer le «parcours d'étoile filante» de l'œuvre de Garcia dans la littérature québécoise contemporaine. Si ce poète semble clairement appartenir à la génération exceptionnelle des années 1960, son œuvre, elle, rédigée en grande partie en France, ne retient du Québec que son lieu de publication. Doit-on s'étonner qu'à l'heure actuelle les historiens littéraires l'aient largement délaissée, sans pour autant l'avoir totalement oubliée? Pierre Nepveu se demande d'ailleurs s'il ne serait plus opportun de lier le passage de Garcia à Montréal à des enjeux moins historiques que spirituels. Dans ce cas, un recueil comme Corps de gloire s'inspirerait des tendances religieuses ou spiritualistes qui, en dépit des discours contestataires, continuaient de structurer la pensée occidentale dans les années 1960 et 1970. C'est à ce titre que l'œuvre de Garcia n'arriverait pas à s'établir dans l'histoire de la littérature québécoise, telle qu'elle s'est imaginée à partir de la révolution tranquille. Comme le souligne Gilles Marcotte, dans son intervention intitulée «L'étranger intime», la distance qui nous sépare de la poésie de Garcia n'est pas «seulement géographique, formelle ou thématique. Il faut ici ne pas refuser d'écrire le mot scandaleux, celui qui désigne de la façon la plus brutale la scission intérieure». Cette allusion à la folie bien réelle du poète, que les collaborateurs de ce recueil ne nomment que du bout des lèvres, reste bien le lieu de rupture à partir duquel cette œuvre se compose.

La majorité des études qui suivent ces deux interventions porte sur des aspects assez précis de l'écriture...

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