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  • Théâtre
  • Mariel O'neill-karch

Il y a presque trente ans, Robert Abirached publiait La crise du personnage dans le théâtre moderne (Paris, Grasset, 1978). En 2006, Jean-Pierre Ryngaert et Julie Sermon répondent avec Le personnage théâtral contemporain: décomposition, recomposition (Paris, Théâtrales). Ils analysent ce paradoxe, que la crise du personnage demeure le centre névralgique de la production théâtrale contemporaine et concluent leur étude en soulignant le changement de statut du personnage : « Sur scène, il ne représente personne en particulier, mais s'impose comme force d'apparition par la parole, actualisation poétique d'un sujet-langage. » Au Québec, c'est chez Daniel Danis et Louise Dupré que cette nouvelle conception du personnage se manifeste avec le plus de force. [End Page 531]

L'arche

Daniel Danis continue de surprendre et d'émerveiller. Terre océane, qualifiée de « roman-dit », met en scène, comme l'indique le titre, une rencontre élémentale entre Antoine, un producteur de cinéma, et son fils adoptif, Gabriel. Abandonné par sa mère qui ne peut pas faire face au fait que son fils de dix ans est en train de mourir d'un rare cancer, Gabriel arrive à la porte d'Antoine qui ne l'a pas revu depuis qu'il était bébé: « Revoir son fils inconnu donne aux yeux d'Antoine un chavirement, comme un astronaute suspendu qui cherche en panique à se retourner pour récupérer un outil échappé dans l'espace. » La poésie et la tendresse naissent de la rencontre de deux éléments. D'abord la terre, avec sa permanence, sa durabilité, sa sédentarité, représentée par Dave, l'oncle/père d'Antoine chez qui le couple père-fils nouvellement reconstitué va se réfugier pour attendre l'inévitable. Ensuite l'eau, représentant l'émotivité, l'inconscience, la sensation, le rêve, l'océan infini dans lequel Gabriel, avec ses « ailes de poisson » va plonger. Cette lente attente de la mort d'un enfant est un merveilleux hymne à la vie, un peu à la manière d'Oscar et la dame rose d'É ric-Emmanuel Schmidt. L'oncle Dave, un peu chaman sur les bords, prépare Gabriel à mourir en lui faisant emmagasiner des images qui pourront l'aider à passer le cap. Il s'agit surtout d'un chemin qu'ils vont fabriquer tous les deux avec des rondelles de bois et que l'imagination de Gabriel pourra emprunter pour le mener hors de l'existence: « Quand t'arrives au bout du chemin de rondelles, c'est pas le vide. Ç a a l'air d'un vide. En vrai, tu dois jouer. Je t'ai appris à conduire ton corps avec tes pensées, c'est la même chose; imagine-toi la mer, tu rentres dedans et tu marches au fond des eaux. . . » Vers la fin, le visage de Gabriel rayonne alors que, dans sa tête, « une flotte de poissons nagent sur place, tout autour, à regarder Gabriel, le serein ». Il s'agit, dans Terre océane, d'une poésie à l'image et à l'usage de l'être humain; d'une poésie qui marque à doux traits les joies et les peines de son existence. Dans ce roman-dit, narration et dialogue entretiennent des liens étroits et complexes. Loin d'être le simple récit d'un drame, la dramaturgie de Danis consiste en une hybridation narrative qui place le récit au coeur du dialogue - et vice versa - bousculant ainsi les attentes du lecteur/ spectateur.

Dramaturges Éditeurs

Le périmètre de Frédéric Blanchette révèle peu à peu les relations tendues entre un couple qui vient de se séparer. Au cours des dialogues, ponctués de silences et de répétitions, le non-dit domine. Nous sommes loin, [End Page 532] très loin, de la pièce classique où, dès l'entrée en matière, les personnages se disent des choses que chacun sait. Ici, même les personnages sont perdus: « Ben, c'est quoi le. . . de quoi on parle d'abord? » On pense à Jean Marc Dalpé et...

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