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Reviewed by:
  • Lettres à Marguerite Duras. «Autour de la littérature», and: Duras, l'impossible
  • Pascal Michelucci
Lettres à Marguerite Duras. «Autour de la littérature», s. la dir. de Danielle LaurinMontréal, Varia, 176 p. 19,95$
Danielle Laurin . Duras, l'impossibleMontréal, Varia, 101 p. 19,95$

Le petit volume des Lettres à Marguerite Duras est un ouvrage hétéroclite. Bâti sur le modèle de l'hommage, recueillant des textes laissés à la libre initiative de leurs auteur(e)s à l'occasion d'un Festschrift visant à commémorer les dix ans de la disparition de Duras, il regroupe des textes de circonstance et de commande—lettres véritables, essais photographiques, nouvelles, rêveries, variations sur un thème, dialogue véritable retranscrit ou dialogue imaginé in absentia. Le titre de l'ouvrage ne le dit pas, mais les vingt premières pages du volume sont en fait occupées par des lettres de Duras qui, il faut le dire, ne sont pas les documents les [End Page 625] plus intéressants du volume. Elles jalonnent le premier voyage de Duras aux États-Unis, en paquebot, en 1964, et évoquent de menues préoccupations autour de l'achat de souvenirs pour son fils Outa – shopping, prix des pieds de caméra, lamentations sur les frais de modification du billet de retour... Même la reproduction de deux pages du manuscrit de la lettre ne peut racheter la trivialité du propos. Les autres textes émanent d'écrivains français et canadiens (Geneviève Brisac, Camille Laurens, André Roy, Denise Desautels, Madeleine Gagnon...), de gens du cinéma ou de la scène (Fanny Ardant, Françoise Faucher), de journalistes (Laure Adler, évidemment, et Odile Tremblay), et d'intimes (le sociologue Edgar Morin, le dernier compagnon, Yann Andréa, qui a livré sa «lettre» sous forme d'interview, dans un café à la réputation littéraire du boulevard Saint-Germain qu'on ne présente plus). Certains tombent dans le pastiche ou le pathétisme douceureux, d'autres se contentent d'un bon mot, mais certaines contributions se détachent de l'ensemble. Fanny Ardant, de façon inattendue, livre un beau texte qui ressemble à une autofiction durassienne, parsemé de citations de l'œuvre de Duras que des dialogues dans un nouveau contexte font briller d'un éclat familier et nouveau à la fois. Dominique Noguez, auteur de plusieurs livres sur Duras, dont notamment un merveilleux travail sur sa «création matérielle», apprécie avec un grand sens de la mesure son propre rapport à Duras autour de la littérature. L'essayiste analyse sa tendance à l'anathème et à la dureté et montre qu'en bonne écrivaine, Duras n'aurait pu faire de la littérature avec de bons sentiments.

Cette silve, faite de souvenirs de lectures et de rencontres, informée de connaissance intime et fantasmatique, donne sur des tons très divers un reflet de tous les rô les où Duras a su se faire elle-même, avec les excès qu'on lui connaît. Il ne s'agit pas d'un texte destiné aux chercheurs, mais le grand public y trouvera un mémorial fascinant, qui présente sur plusieurs tons la réception de Duras par de nombreux acteurs et intellectuels de la vie culturelle de ces dernières décennies.

Le second texte de Danielle Laurin est susceptible de provoquer une réaction épidermique: il porte Duras aux nues et la «remercie» d'avoir sauvé la vie de l'auteur dès le premier paragraphe. On s'attend au pire. De fait cette attente est rapidement détrompée. D'abord parce que outre les vingt premières pages on comprend qu'il ne s'agit pas uniquement d'une lamentation sur un thème durassien – le culte de la douleur, la femme plaquée laissée à l'inassouvi du désir (saupoudrez de Lacan et laissez monter) – et du compte rendu d'un rapport seulement personnel à la monstresse sacrée. On se prend en fait au jeu de reconnaître ses propres travers de lecteur et d'admirateur dans ceux de Laurin, dans son rapport feuilleté au grantécrivain et à la (com...

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