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  • Les yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle
  • Andrée Fortin
Benoît Melançon , Les yeux de Maurice Richard. Une histoire culturelle. Montréal Fides, 283 p., 29,95$

«Richard est un mythe: on l'a extrait de sa condition et on l'a élevé jusqu'aux premiers rangs de la société, de la culture, de l'histoire. Les enfants doivent le savoir». Comment Maurice Richard est-il devenu un «trésor national» et un mythe; comment ce mythe s'est-il construit? Voilà les questions que se pose Benoît Melançon dans cet ouvrage sous-titré fort à propos «histoire culturelle». Cinq éléments sont retenus pour définir le mythe: l'inscription dans la durée, le caractère merveilleux, la transmission culturelle, la dimension collective et, enfin, la malléabilité du récit.

Dès l'introduction, le caractère merveilleux des exploits de Richard est établi, et l'auteur énumère «les douze travaux du numéro 9», dont les 5 buts contre les Maple Leafs en éliminatoires le 23 mars 1949, et ses 5 buts [End Page 637] et 3 aides le 28 décembre 1944, alors qu'il avait participé à un déménagement toute la journée.

La première partie du livre, «Une icône», montre comment Maurice Richard, dont le surnom de Rocket pose d'emblée qu'il est bel et bien un joueur de hockey exceptionnel, voit très tôt son image circuler dans les médias et dans les foyers, grâce à la publicité et à divers «produits dérivés». Cette partie, plutôt informative et descriptive, se présente comme une «étude de la culture matérielle». À défaut d'en retracer l'origine, Melançon décortique aussi le(s) sens du surnom de Maurice Richard. Il compare aussi le hockeyeur avec d'autres figures légendaires du sport (Louis Cyr, Yvon Robert et Jackie Robinson) et montre que Richard les éclipse tous dans la mémoire collective.

La seconde partie, «L'Émeute» (notez la majuscule), est consacrée non pas tant à la susmentionnée émeute qu'aux lectures et interprétations de celle-ci de 1955 à nos jours. Plusieurs y ont vu la préfiguration de la Révolution tranquille, et Maurice Richard y a acquis un statut, voire une stature, imprévue. André Laurendeau, déjà, quatre jours après l'émeute, publie dans Le Devoir un article intitulé «On a tué mon frère Richard», dont le titre renvoie au «On a tué mon frère Riel» d'Honoré Mercier. Le ton est donné; malgré la présence d'amateurs de hockey anglophones, «la lecture dominante de l'Émeute est nationaliste».

Enfin la troisième partie est consacrée au «mythe» proprement dit. Celui-ci se transmet par la chanson, la littérature jeunesse ou la littérature tout court, le théâtre, le cinéma et la télévision, la peinture, gravure et la sculpture, la BD, et même une exposition, mais aussi par la culture matérielle (des cartes de hockey aux jeux et vêtements, sans oublier l'allusion au célèbre numéro 9 sur les billets de cinq dollars). Se créent des «études richardiennes», dont le livre de Melançon n'est pas le coup d'envoi, car déjà en 1972 Hubert Aquin et Andrée Yanacopoulo avaient consacré quelques pages au Rocket; pour mémoire, rappelons aussi qu'en 2005 Sheldon Posen a consacré un article aux très nombreuses chansons consacrées à Richard.

La thèse de Melançon est que le mythe autour de Maurice Richard est plus vivant que jamais et se transmet par de nombreuses voies à ceux et celles qui ne l'ont jamais vu jouer: «Je me souviens car on m'a raconté», résume bien le rapport des jeunes générations au Rocket. Comment se surprendre alors que Maurice Richard, comme Gaston Miron, Félix Leclerc et Jean-Paul Riopelle, ait eu des funérailles nationales? Le mythe est malléable, car le Rocket est admiré tant par les amateurs de hockey que par les artistes et les politiciens, et...

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