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  • Envoyer et recevoir. Lettres et correspondances dans les diasporas francophones
  • Paul Dubé
Envoyer et recevoir. Lettres et correspondances dans les diasporas francophones, s. la dir. d'Yves Frenette, Marcel Martel et John Willis. Québec, Les Presses de l'Université Laval, coll. Culture française d'Amérique, xiv-298 p.

Malgré un titre pas très heureux (il me semble qu'on eÛt pu faire mieux! Le sous-titre me paraît déjà plus alléchant), Envoyer et recevoir... vient combler une lacune significative pour la compréhension que nous avons de l'expérience migrante. Par la voix de l'historien Yves Roby qui signe la préface, nous apprenons qu'une dizaine de chercheurs ont dépouillé des «correspondances» relatant «l'expérience migratoire des francophones en Amérique», soit celles qui existent entre «parents et amis», ou entre «clercs, gens d'affaires, écrivains et militants de la survivance», des documents cueillis au hasard de la recherche ou dans des collections connues. Ces trouvailles permettent de compléter des recherches statistiques et quantitatives en dévoilant «les motivations profondes et les choix existentiels des migrants», de pénétrer «dans leur univers mental» et de «saisir, dans toute leur complexité, les processus d'acculturation, d'assimilation et de construction identitaire».

Dans l'«Introduction», l'historien Yves Frenette nous propose d'abord un court bilan du développement récent de ce champ de recherche axé sur l'étude des «diasporas francophones des Amériques». Il suggère qu'on peut s'inspirer de modèles américains dont les travaux remontent au début du XXe siècle et qui produisent «une sorte d'histoire sociale démocratique, susceptible de remplacer l'histoire politique élitiste», puisque la lettre se donne comme «source importante pour l'étude de l'immigration» en ce qu'elle est «à la fois utilisée pour construire des arguments historiographiques et pour connaître le vécu des immigrants». [End Page 606]

La première partie – «Pour redécouvrir les migrants: utilisation de la lettre» – dresse en trois articles la perspective méthodologique. Le premier «décrit la démarche du groupe de recherche» de l'Université de Pau, pionnière dans le domaine, dont les difficultés rencontrées dans la cueillette de lettres, les «frustrations», mais aussi la «satisfaction énorme» que procure le travail. Le deuxième article, celui de l'Argentin Hernan Otero, «véritable leçon de méthode» et qui selon Frenette propose «trois lectures d'un immigrant français en Argentine: une lecture sociodémographique, qui laisse apparaître les ruptures; une lecture personnelle [...], qui fait ressortir les continuités; une lecture psychologique, à partir de la forme des lettres et de l'expérience d'Otero, lui-même fils d'immigrant galicien». John Willis, l'auteur du troisième article dans ce panorama méthodologique, relate de moult perspectives, à l'aide d'un corpus de 152 lettres, «comment l'échange de lettres est au centre du processus migratoire, peu importe la classe sociale à laquelle appartiennent les correspondants».

La deuxième partie, «le cœur du recueil», selon Yves Frenette, offre trois études de cas. La première, intitulée «Langue et identité dans le Québec du XIXe siècle: une écriture triangulaire», raconte la correspondance (44 lettres) qui se crée entre un père (60 ans – qui s'exile pendant sept mois au Colorado en 1880), sa femme (40 ans) et leur fils (20 ans). Une fois le contexte économique et social d'écriture défini, les auteures, s'inspirant des «traits discursifs qui marquent ce triangle épistolaire», se penchent sur la façon dont les deux grandes valeurs qui caractérisent les Canadiens français de l'époque, la famille et la religion, s'y manifestent. Il faut voir aussi la place que la langue occupe dans cette correspondance, son statut idéologique, et son usage puisque nos scripteurs représentent trois générations.

Le deuxième article dans cette partie, «'Cher père, écrivez-moi, j'ai tant besoin d'encouragements dans mes troubles', Emma Lamontagne-Vachon, épistolière», nous emmène sur la piste assez...

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