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Reviewed by:
  • Regard, peinture et fantastique au Québec. Essai
  • Rachel Bouvet
Simone Grossman , Regard, peinture et fantastique au Québec. Essai. Québec, L'instant même, 199 p., 22,95$

Visant à montrer que l'étrange est souvent lié au regard dans la littérature fantastique, cet ouvrage explore les liens entre littérature et peinture, essentiellement, tout en accordant une place au thème de l'oeil et à la photographie. Le corpus d'analyses est formé d'un ensemble de récits québécois échelonnés entre les années 1960 et les années 1990. Toutefois, ce sont surtout les textes récents, publiés à la fin des années 1980 et pendant la décennie suivante, par des auteurs tels que Jean-Pierre April, Jean-Paul Beaumier, Bertrand Bergeron, André Berthiaume, Roland Bourneuf, Jacques Brossard, Denys Chabot, Pierre Chatillon, Hugues Corriveau, Bertrand Gervais, Marie-Pascale Huglo, Robert Lalonde, Pierre Ouellet et Gilles Pellerin (parus en majorité à L'instant même), qui occupent la place la plus importante. Les textes de la première vague de fantastique québécois, signés par Yves Thériault, Michel Tremblay et Andrée Maillet, ou encore parus dans les années 1970, comme ceux de Marie José Thériault, forment un ensemble beaucoup plus restreint. Qu'est-ce qui a motivé ce choix? On se doute bien que c'est la présence, à l'intérieur du récit (nouvelle ou roman), de motifs liés à la peinture, à la photographie, ou au regard, mais il aurait été intéressant de savoir ce qui a occasionné une telle disparité. [End Page 570]

Divisé en huit courts chapitres consacrés chacun à un aspect du problème de l'inscription du regard et de la peinture dans le récit, l'ouvrage s'appuie surtout, en ce qui concerne le fantastique, sur les réflexions de Charles Grivel (Fantastique-fiction), de Roger Bozzetto (L'obscur objet d'un savoir; Du fantastique iconique) et de Max Milner (La fantasmagorie : essai sur l'optique fantastique). Le premier chapitre rappelle dans un premier temps l'importance du sens de la vue, des phénomènes d'apparition/disparition, de l'instabilité du regard, du motif de l'objet animé (yeux, tableaux, clichés photographiques. . . ) dans les théories du fantastique avant de s'interroger sur la portée réflexive de l'oeil et du regard dans la poétique de Pierre Ouellet, pour qui « l'activité de l'oeil métaphorise la création ». Une analyse fort intéressante, mais qui semble concerner la littérature dans son ensemble plutô t que le fantastique en particulier. Suffit-il de regarder le monde « d'une autre façon » pour donner naissance à un effet fantastique? Cela ne va pas de soi. On se demandera du même souffle pourquoi les nouvelles de Pierre Ouellet occupent une place démesurée dans l'analyse (on y revient dans plusieurs chapitres du livre), leur dimension fantastique n'apparaissant pas aussi clairement que leur dimension poétique, voire philosophique. Les chapitres suivants, plus convaincants, étudient le motif de l'oeil arraché ou surgi de nulle part, ou encore multiplié jusqu'à former un corps monstrueux, générant du même coup l'horreur ou la fascination. L'intégration de la photographie, par l'intermédiaire de la description de certains clichés ou de l'acte photographique, permet de faire bouger l'image, de créer des jeux de voilement et de dévoilement, d'actualiser des fantasmes ou de faire douter de la réalité. Comme l'indique bien l'auteure, « [l]es fantastiqueurs usent paradoxalement de l'optique à rebours de la mimésis pour dévoiler l'invisible ».

La deuxième partie est consacrée à la peinture proprement dite. C'est le parallèle institué entre la création artistique et l'écriture qui amène l'auteure à s'intéresser à la « genèse du tableau-récit », au cours de laquelle l'image se fait et se défait, en proie au regard du peintre ou du spectateur de l'oeuvre. C'est son altération qui donne naissance au récit. Ensuite, l...

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