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Reviewed by:
  • Le destinataire à venir. Culture et planéité à l’ère du refus
  • François Paré (bio)
Catherine Dhavernas, Le destinataire à venir. Culture et planéité à l’ère du refus Montréal, xyz éditeur, coll. Théorie et littérature, 136 p., 20$

Ouvrage pluridisciplinaire, recoupant les arts visuels, la littérature et le cinéma, Le destinataire à venir de Catherine Dhavernas s'intéresse aux théories du modernisme et de l'avant-garde afin de mieux comprendre la « problématique du refus » qui définit, selon l'auteure, les cultures occidentales contemporaines. Bien que cette référence soit assez curieusement laissée de côté dans la seconde partie de l'étude, l'approche choisie par Dhavernas renvoie aux travaux déjà anciens du critique d'art américain Clement Greenberg sur le kitsch et sur les représentations artistiques de l'ordinaire. Au centre de la notion de « planéité » (une traduction du mot anglais « plainness », utilisée par Greenberg) se trouve un rejet profond du réalisme en même temps qu'une attention particulièrement soutenue à l'image comme véhicule de la modernité artistique. [End Page 155]

Dhavernas est avare de définitions. Ainsi, les mots « planéité » et « culture », pourtant très complexes, même chez Greenberg, sont présentés comme allant de soi. Certaines clarifications auraient été essentielles, dans la mesure où, dans ses écrits sur le modernisme (1965), Greenberg s'opposait farouchement à la littérature qu'il tendait à réduire au simple cadre réaliste du xixe siècle. Comment alors envisager l'utilisation des notions de planéité et de linéarité dans un ouvrage qui traite à la fois de la peinture, de la photographie, du cinéma et de la littérature ?

Pour Dhavernas, la passerelle entre ces diverses formes d'expression est tracée dans le regard que jette Walter Benjamin sur un portrait de Franz Kafka à l'âge de cinq ans. Se situant entre le portrait réaliste et l'abstraction, cette photographie témoigne d'une nouvelle perspective sur le monde. Dhavernas analyse en parallèle un passage de Madame Bovary de Flaubert, le portrait très connu de Charles Bovary, casquette à la main, dans lequel on peut voir la mise en place d'un récit centré sur l'objet, ou plutôt sur l'accessoire. Télescopant les époques, Dhavernas ne tient guère compte des contextes historiques et médiatiques fort différents qui permettent de comprendre ces deux documents. Néanmoins, son analyse permet de mieux retracer les transformations qui traversent l'ensemble des pratiques artistiques de la période d'industrialisation jusqu'« à l'ère du refus ».

Au chapitre trois, s'éloignant sensiblement de la problématique moderniste, Le destinataire à venir met en rapport les mêmes pages de Flaubert et divers textes de Marguerite Duras, notamment L'amant de la Chine du Nord et L'amant. Selon Dhavernas, ces deux auteurs font appel à l'image, dépourvue de la reproductibilité sans fin que lui attribuait Benjamin; chez Duras, cette même image est à la fois porteuse de la référence existentielle et de sa dénégation, puisqu'elle est toujours emportée par les ravages du temps. Aucune distinction n'est établie entre l'image photographique et le portrait ou la description littéraire, comme si les paragraphes de Flaubert étaient du même ordre sémiotique que le plan cinématographique ou le cliché photographique. La notion de planéité aurait pu être utile dans ce contexte, mais il n'en est plus fait mention au delà de l'introduction.

Le dernier chapitre de cet ouvrage est consacré entièrement à l'étude de l'œuvre de Marguerite Yourcenar. Chez cette romancière qui a longtemps vécu aux États-Unis, la modernité littéraire est liée à « un regard résolument penché sur les siècles révolus ». En réaction au culte de l'instant à laquelle elle associe la culture américaine, Yourcenar cherche à « sauver » l'histoire humaine (européenne ?) des affres de l'oubli et à l'accueillir dans le discours du présent. En cela, elle rejoint Walter Benjamin et Marcel Proust chez...

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