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  • Histoire des aventuriers flibustiers [1686]
  • Le Roland Huenen (bio)
Alexandre-Olivier Exquemelin, Histoire des aventuriers flibustiers [1686]. Établissement du texte, glossaire et index par Réal Ouellet. Introduction et notes par Réal Ouellet et Patrick Villiers Québec, Les Presses de l’Université Laval, 595 p.

Heureuse initiative que cette édition savante d'un ouvrage qui eut en son temps son heure de gloire et qui servit de référence à Savary des Bruslons pour son Dictionnaire universel du commerce (1723), à certains articles de l'Encyclopédie, et à Voltaire pour son Essai sur les mœurs (1756) et son article « Flibustiers » dans la réédition Kehl du Dictionnaire philosophique (1783–1790). L'Histoire des aventuriers flibustiers d'Alexandre-Olivier Exquemelin fut et demeure le grand classique français sur la flibuste. Curieusement, il parut d'abord en néerlandais en 1678 sous le titre De Americaensche Zee-Roovers (Les flibustiers des Amériques), puis en traductions allemande, espagnole et anglaise, avant d'être publié en français, dans sa langue d'origine, en 1686 par le libraire parisien Jacques Le Febvre, et réimprimé par le même en 1699 dans une édition augmentée. On sait peu de chose de son auteur, dont on crut d'abord qu'il était hollandais. Son existence fut même mise en doute, jusqu'à ce qu'un historien, M. Vrijman, ait apporté en 1933 des preuves irréfutables relatives à sa nationalité française et à l'orthographe de son nom, produisant notamment une procuration signée de la main même du chirurgien-flibustier et datée de 1674 ainsi que son inscription sur le registre des chirurgiens hollandais après qu'il eût passé son dernier examen en 1679.

Exquemelin s'embarqua en mai 1666 comme « engagé » à destination des Antilles. Les « engagés » étaient généralement des individus d'extraction modeste, recrutés dans les campagnes et dans les ports et qui s'enrôlaient pour trois ans contre le paiement de leur voyage. À l'arrivée aux îles, ils étaient vendus aux colons comme esclaves. C'est ce qui arriva à Exquemelin qui fut vendu à un certain de La Vie qui le traita durement, au point qu'il serait mort de mauvais traitements et de malnutrition si le gouverneur de l'Île de la Tortue, Bertrand Ogeron de la Bouère, n'était intervenu en sa faveur. Libéré de son engagement, il devint flibustier et participa sous les ordres de l'Anglais Henry Morgan à l'attaque contre Panama. Il revint en Europe en 1672, puis repartit pour les Antilles en 1674 à titre de chirurgien major sur un bateau hollandais, puis revint de nouveau en Europe, et repartit peut-être une troisième fois à destination des Antilles en 1676, comme le suggère le renouvellement de sa procuration. Pourquoi Exquemelin s'embarqua-t-il une première fois.pour les Indes occidentales [End Page 123] comme « engagé » ? Les documents manquent qui pourraient éclairer cette décision. Exquemelin était protestant, peut-être chirurgien ou apprenti chirurgien. Se serait-il résolu à s'exiler à la suite du décret d'avril 1666 qui interdisait aux protestants d'exercer leur profession en France, comme le rappellent les deux éditeurs ? La chose est possible, mais reste encore à démontrer.

Dans leur introduction précise et détaillée, Réal Ouellet et Patrick Villiers s'attachent à montrer que si les deux éditions, celle de 1678 en néerlandais et celle parue à Paris en 1686, reposent bien sur un même texte et demeurent proches dans la manière dont les chapitres et les thèmes sont organisés, il existe néanmoins des différences importantes entre les deux versions. Il est clair que dans les deux cas est intervenue une main autre que celle du seul Exquemelin. Sans qu'il soit possible d'évaluer la part exacte prise par ce dernier à la rédaction du texte, il apparaît clairement que le rédacteur hollandais est plus sobre que son homologue français. L'édition française s'entend à aller au delà de la simple relation de voyage et du récit d'aventure, et cherche à présenter une histoire des...

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