In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Les deux chanoines. Contradiction et ambivalence dans la pensée de Lionel Groulx, and: Lionel Groulx. Le mythe du berger
  • Claude Grégoire (bio)
Gérard Bouchard, Les deux chanoines. Contradiction et ambivalence dans la pensée de Lionel Groulx Montréal, Boréal, 2003, 313 p., 25,95$
Marie-Pier Luneau, Lionel Groulx. Le mythe du berger Montréal, Leméac, coll. Domaine Histoire, 2004, 229 p., 23,95$

Les figures humaines les plus complexes et les plus commentées d'une nation sont souvent celles qui ont promu, volontairement ou non, une chose et son contraire. Souvent la cible de détracteurs depuis sa mort, Lionel Groulx laisse dans son œuvre scripturaire un terreau fertile à l'interprétation tant elle semblait puiser dans les oppositions et les contradictions. Voilà ce que l'historien Gérard Bouchard, dont l'œuvre s'est vue reconnue et primée à plusieurs occasions, s'est appliqué à illustrer dans son essai Les deux chanoines. Contradiction et ambivalence dans la pensée de Lionel Groulx. Celui qui, à la suite de Quelques arpents d'Amérique et Genèse des nations et cultures du Nouveau Monde, s'impose comme l'un des penseurs les plus rigoureux du Québec a su rester à l'écart de la tentation d'une tendance récente qui prend pour cible Groulx pour atteindre à la complexité de sa pensée.

Bouchard table son essai sur un examen minutieux de la presque totalité des ouvrages, mémoires et articles des publications de Groulx et de ses commentateurs. Son étude des thèmes abordés par le chanoine mettra en évidence la contradiction, ainsi qu'un de ses corollaires, l'échec, pas tant comme résultats d'une pensée et d'une action que comme fonctionnements de cette pensée. Étalée sur plus de la moitié d'un siècle mouvementé sur les plans national et international, l'abondante œuvre de Groulx puise à même ces principes moteurs, selon Bouchard, qui illustrent avec force détails l'ampleur des contradictions qui ont animé Groulx, sur des sujets capitaux pour la société canadienne-française/québécoise que le chanoine n'a cessé d'ausculter, de provoquer, de vouloir endoctriner. Ainsi, c'est ce même peuple canadien-français que Groulx adorait et qu'il se prenait pourtant souvent à vilipender. Historien à la fois traditionnel, conformiste, mais aussi révisionniste en ce qui a trait à l'impérialisme britannique, il célébrait le pouvoir de l'homme sur le destin de la nation alors qu'il le clamait dépendant de Dieu. Groulx se voulait à la fois pour et contre la ville et la [End Page 70] campagne, voyait la femme dominante mais soumise. Le chanoine, pour plusieurs réactionnaire, avait aussi manifesté à maintes reprises une audace libérale. Bouchard montre aussi Groulx sous un jour capitaliste et anticapitaliste à la fois, puisant à la source du changement et du statu quo, lui qui prônait un Québec indépendant dans le Canada...

Mais c'est sans nul doute dans le chapitre consacré à l'antisémitisme de Groulx que Bouchard fait la démonstration la plus convaincante de sa sagesse et de sa rigueur d'essayiste. Si Bouchard reconnaît chez Groulx un antisémite moins raciste qu'ethniciste, l'examen de l'action sociale et éditoriale groulxiste auquel il se livre laissera sur leur soif ceux qui s'attendent à une condamnation ou à un pardon : l'historien constate les déclarations malheureuses, en pondère quelques-unes, mais met aussi en évidence les silences gênants dans son œuvre éditoriale (originale et sous pseudonyme), comme les appuis à divers mouvements nettement antisémites (comme Jeune-Canada). Au terme de cette analyse, on ne sera pas surpris que Bouchard voie en Groulx un intellectuel inopérant, qui n'a pu surmonter ses contradictions, que Bouchard relie au contexte sociohistorique canadien-français de l'époque.

Dans Les deux chanoines. Contradiction et ambivalence dans la pensée de Lionel Groulx, Gérard Bouchard fait preuve d'une grande rigueur et de nuance dans son analyse de l'équivoque et de l'incohérence chez Groulx. Dans une prose qui, chose rare...

pdf

Share