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  • Le nouveau récit des frontières dans les Amériques
  • Corinne Beauquis (bio)
Le nouveau récit des frontières dans les Amériques, s. la dir. de Jean-François Côté et Emmanuelle Tremblay Québec, Les Presses de l’Université Laval, coll. Américana, 222 p.

Jean-François Côté et Emmanuelle Tremblay partagent la direction d'un ouvrage collectif publié dans la collection Américana, dont le mandat est d'accueillir « des ouvrages et des essais qui portent un regard sur l'ensemble des Amériques, d'un point de vue compréhensif des grands enjeux [End Page 112] historiques, culturels, sociaux et politiques ». C'est ici le texte littéraire ainsi que la réflexion et les interrogations qu'il suscite qui prennent en charge les enjeux de la collection, dont Jean-François Côté est en outre le directeur. Déclarant le récit de voyage « fondamental » à la construction des Amériques et du Nouveau Monde, Côté et Tremblay proposent au lecteur de se laisser conter « le nouveau récit des frontières dans les Amériques ». Si la pensée de Gérard Bouchard a certainement nourri la réflexion de plusieurs collaborateurs, si celle de Donald Cucioletta et ses collaborateurs a tracé la voie dans Le grand récit des Amériques (2001), le présent ouvrage emprunte bien des pistes nouvelles. Ce collectif examine donc les seuils autant qu'il marque un palier : d'une part, il propose, non pas d'étudier les frontières, mais la traversée de celles-ci; d'autre part, il pourrait signifier un tournant dans les recherches littéraires et annoncer la fin d'une ère.

Composé de dix articles qui constituent autant de chapitres, l'ouvrage explore un corpus d'écrivains issus du continent américain, dont l'expérience des frontières a pu servir de vivier à leurs productions littéraires : Carlos Fuentes, Ishmael Reed, Rolando Hinojosa, Edwige Danticat, Maryse Condé, Émile Ollivier, Antonio d'Alphonso, Jack Kerouac, Gabrielle Roy et David Plante, par exemple. La liste des auteurs étudiés est longue, mais la cohésion du propos permet de réunir dans un même ouvrage des écrivains, outre ceux déjà mentionnés, aussi différents que Joseph Conrad, Bernard Assiniwi, T. C. Boyle, Claude Jasmin ou encore Bob Shacochis. Leurs œuvres investissent tous la traversée, ayant comme points de départ ou d'arrivée le Mexique, l'Afrique, le Brésil, les États-Unis, Haïti, le Canada, pour n'en citer que les plus importants.

Plusieurs collaborateurs soulignent la traversée et son corollaire, la violence, comme éléments fondateurs des Amériques (Roland Walter, Hélène Destrempes). L'héritage qui en résulte se manifeste dans des événements historiques aussi dramatiques que la colonisation et l'esclavage ou la destruction de peuples, autochtones entre autres, et de leur patrimoine. Le mythe de la « frontière », constitutif de l'identité nationale américaine (au sens d'étatsunienne), a fourni un terreau fertile non seulement au « roman classique américain », mais aussi au roman québécois, ainsi que l'expose un Jean Morency moins alarmiste. Pourtant, dans sa version plus contemporaine, la frontière semble avoir pris des allures d'accords de libre-échange et de mondialisation que la littérature nous invite à surveiller. Jean-François Côté rappelle les limites du melting-pot et du multiculturalisme; Joubert Satyre s'inquiète avec Emmanuelle Tremblay des inégalités économiques et tous deux concluent à l'illusion de la frontière dans leur corpus. Tandis que Jean Bessière regrette la dissolution des frontières culturelles, Hélène Détrempes décrit le métissage en tant qu'« aller simple vers la dépossession et l'assimilation » et les analyses de Roland Walter et d'Isabelle Meunier attestent l'impossibilité de l'entre-deux. En outre, quand Walter remet en question « la célébration de [End Page 113] l'expression des identités-en-devenir migrante », Simon Harel demande si, dans l'expression « littérature migrante » ne serait pas venue se loger une « métaphore...

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