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Reviewed by:
  • Le mythe de l’Amérique dans l’imaginaire « canadien »
  • Paul Perron (bio)
Maurice Lemire, Le mythe de l’Amérique dans l’imaginaire « canadien » Québec, Éditions Nota bene, 236 p. 23,95$

Ce livre est l'ouvrage d'un chercheur chevronné qui a beaucoup contribué à la recherche en littérature « canadienne » depuis plus de trente ans. En plus d'assurer la direction des quatre premiers tomes du monumental et incontournable projet sur La vie littéraire au Québec, Maurice Lemire a publié de nombreux volumes et celui-ci constitue le dernier d'une longue série d'études importantes. Dans son « Introduction », l'auteur s'interroge sur le concept de « l'imaginaire » popularisé par Gilbert Durand au cours des années 1960, mais qui doit également beaucoup à d'autres essayistes [End Page 103] de la première moitié du XXe siècle tels que Gaston Bachelard et Jean-Paul Sartre. Pour Lemire, l'imaginaire est une structure quasi universelle qui organise le réel d'après des modèles que lui fournit la culture ambiante. Il constate le rôle du littéraire, notamment des grands écrivains dans de nombreuses cultures qui influent sur les imaginaires collectifs. Toutefois, il note que l'imaginaire canadien n'a pas eu de grands écrivains susceptibles « d'orienter et de dynamiser tous les courants particuliers ». Partant du principe que la littérature, tout comme la tradition orale, exerce une influence déterminante sur la formation de l'imaginaire populaire, il remarque que malgré leur héritage européen les Canadiens, ainsi que les Américains, ont dû s'inventer un imaginaire pour arriver à interpréter le nouveau continent.

Convoquant de nombreux textes littéraires tout comme la tradition orale, l'auteur constate une tension entre les sédentaires et l'appel à l'aventure des grands espaces qui semble façonner l'imaginaire collectif. Néanmoins, en réaction contre l'émigration massive vers la Nouvelle-Angleterre, les autorités canadiennes tentent de réorienter les populations vers le Nord du pays. Les élites œuvrent pour maintenir la collectivité sur le sol canadien avec la structure familiale comme point fort d'ancrage. Mais la littérature se trouve en porte-à-faux par rapport au social dans la mesure où elle règle la question du surnombre d'héritiers et de la succession sur la terre paternelle en réduisant la famille à un fils unique. C'est en fondant sa démarche sur la lecture d'un grand nombre d'ouvrages littéraires et sur des enregistrements, et, en se référant aux mœurs et traditions populaires qu'il arrive à formuler l'hypothèse sur laquelle il échafaude son étude : à savoir depuis les origines de la colonie jusqu'à la Deuxième Guerre mondiale, « la jeunesse canadienne a toujours été attirée par un ailleurs. Au coureur de bois a succédé le 'voyageur', puis le bûcheron, mais l'imaginaire est toujours demeuré le même. Deux mythes auraient principalement marqué l'imaginaire populaire canadien, celui de l'Amérique et celui de la forêt ».

Cependant, loin d'entretenir des relations antinomiques entre eux, les mythes fondateurs de l'imaginaire québécois convergent, mais celui de l'Amérique implique des obstacles à vaincre et des difficultés à surmonter. Par la tradition orale, les expériences et les exploits des pionniers sont transmis à leurs descendants et retransmis à l'ensemble de la population. Toutefois, l'élite s'arme contre ces mythes fondateurs puisqu'ils mettent en cause le projet de colonisation au Québec et elle les refaçonne autour de la notion de famille. C'est surtout par le roman du terroir de la première moitié du XXe siècle que l'on arrive à peu près à totalement gommer l'imaginaire nomade en liant le sort de la société canadienne à la décision du fils qui choisit la terre ou la ville.

C'est dans le premier chapitre que Lemire pose théoriquement la question de savoir si l'imaginaire collectif peut être complètement [End Page 104] indépendant du réel. Et, il me semble qu'il s'agit l...

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