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Reviewed by:
  • La rhétorique épistolaire de Rabelais
  • Jane Couchman (bio)
Claude La Charité, La rhétorique épistolaire de Rabelais Québec, Éditions Nota bene, 305 p., 25,95$

Pour la plupart d'entre nous, François Rabelais est l'auteur de romans où des géants (Gargantua et Pantagruel surtout) partagent, d'une manière plutôt surréelle, une vie pleine d'aventures, avec des gens de taille humaine comme Panurge et Frère Jean des Entommeurs. Célèbre lui-même pour ses néologismes, Rabelais a légué à la langue française les mots « rabelaisien » (pour qualifier tout ce qui est marqué d'une imagination et d'un langage exubérants, d'un humour et d'une satire débordants, voire grossiers) et « gargantuesque » (énorme, gigantesque). Le nom du géant évoque la nourriture et la boisson abondantes, d'où l'existence de plusieurs restaurants et tavernes Gargantua. C'est bien sûr chez Rabelais que Mikhaïl Bakhtine a trouvé l'expression géniale d'une culture populaire et subversive. On se souvient peut-être aussi du fait que Rabelais était d'abord moine (franciscain puis bénédictin) et ensuite médecin, et qu'il avait attiré la colère de la Sorbonne pour ses idées évangélistes. Il nous vient même à l'esprit le souvenir d'une formation humaniste exemplaire proposée par le géant-père, Gargantua, à son fils Pantagruel, avec la louange d'une époque où « par la bonté divine, la lumière et la dignité ont esté [...] rendues es lettres [...], toutes disciplines sont retituées [...], [t]out le monde est plein de gens savans » (Pantagruel, ch. VIII). [End Page 149]

Cette expression classique de l'optimisme renaissant (sincère ou satirique ? ou les deux ?) se présente sous forme d'une lettre, l'une des cinq lettres qui paraissent dans les cinq volumes du roman rabelaisien. Avec les douze lettres hors-roman qu'on connaît de Rabelais, cela compose le corpus des dix-sept lettres connues de Rabelais que Claude La Charité a choisi d'analyser. Ce corpus peut paraître assez mince, surtout en comparaison avec la parole abondante de l'auteur dans son roman; toujours est-il que l'on y trouve, en plus des lettres « fictives », des lettres néolatines adressées à Guillaume Budé et à Érasme, des dédicaces en latin placées en tête d'ouvrages savants que Rabelais avait édités, une épître comique versifiée à l'intention de son ami Jean Bouchet, des comptes rendus épistolaires de son voyage en Italie, une invitation à un repas sans doute gargantuesque, et une demande d'argent; en d'autres mots, un échantillon de presque tout ce qu'on retrouve dans le genre épistolaire chez Rabelais, et tout à fait assez pour inspirer la seule étude critique jusqu'ici de la production épistolaire de Rabelais. En plus de contribuer aux études rabelaisiennes, ce livre rejoint l'intérêt croissant depuis une vingtaine d'années pour le genre et pour les pratiques épistolaires, non seulement chez des personnages déjà connus, mais aussi chez ceux dont les lettres sont la seule œuvre écrite; non seulement les lettres destinées à la publication mais aussi les lettres missives qui se placent dans le domaine de la praxis, dont le but est d'inspirer une action concrète et souvent urgente.

L'étude de La rhétorique épistolaire de Rabelais que propose Claude La Charité comporte en fait deux études complémentaires : la première partie du livre (15-80), ainsi que les Annexes III-X (231-268) traitent de « L'épistolographie à la Renaissance »; la deuxième partie (81-206) avec les Annexes I, II et XI (227-230 et 269-294) est consacrée aux « Pratiques épistolaires de Rabelais en regard de l'épistolographie renaissante ». La Charité nous invite à considérer les ressemblances (et les différences) entre les pratiques épistolaires de Rabelais et celles de son époque, ainsi que les multiples stratégies épistolaires qu'il emploie. Cette première partie propose un résumé des théories et des manuels de l'épistolaire à commencer par l'Antiquité (Cicéron, Sén...

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