Érudition et passion dans les écritures intimes ed. by Manon Brunet (review)

122 lettres canadiennes 1999 sienne condamne-t-elle la littérature à faire figure de phare, à *guider nos pas dans une voie où nous pourrions retrouver le sens de la fraternité et de la solidarité nécessaire pour reconstruire un monde meilleur avec tous et pour tous+? Faut-il du coup, avec Broch (qui pourtant s'inscrit dans sa filiation), considérer que l'Ulysse de Joyce est un échec dans la mesure où, écrit Pelletier, *sa réussite artistique repose sur un ésotérisme, un hermétisme accessible à de rares élus et initiés d'un champ littéraire dissocié de l'ensemble du corps social+? Le danger, comme toujours, serait de vouloir faire la leçon... (PATRICK POIRIER) Érudition et passion dans les écritures intimes, s. la dir. de Manon Brunet Québec, Nota bene, coll. Littérature(s), 225 p., 23$ Manon Brunet, l'infatigable directrice du Laboratoire sur les écritures intimes de l'Université du Québec à Trois-Rivières, nous avait déjà donné en 1993 un important recueil d'études intitulé Discours et pratiques de l'intime. Elle recommence en 1999 avec les actes d'un colloque organisé par son Laboratoire et tenu sous les auspices de l'ACFAS en 1997. Bernard Andrès, qui dirige un projet de recherche sur l'*Archéologie du littéraire au Québec+ (ALAQ) à l'UQAM, ouvre le volume en traitant l'un de ses sujets de prédilection, L'appel à la justice de l'État (1784) de Pierre du Calvet, dans lequel ce dernier dénonce courageusement auprès des autorit és britanniques les méfaits du gouverneur Haldimand. Le collègue d'Andrès à l'ALAQ, Pierre Lespérance, fait revivre le personnage du médecin Pierre-Jean de Sales Laterrière, fils du mémorialiste et auteur de carnets de voyage inconnus avant leur publication par l'ALAQ. Dans une étude originale et abondamment documentée, Manon Brunet exploite les ressources des fonds du Centre de recherche en civilisation canadienne-française (CRCCF) de l'Université d'Ottawa pour refaire le portrait traditionnel du poète William Chapman et nous révéler un Chapman obsédé par son désir de recevoir le prix Nobel de littérature. Une collaboratrice venue de l'Université de Mulhouse en Alsace, Hélène Védrine, présente le graveur belge Félicien Rops, auteur de quelque trois mille lettres dont un grand nombre ornées de ses croquis et figures; l'article est suivi d'une vingtaine de reproductions qui illustrent la variété, la fantaisie et l'humour des graphiques. Le deuxième groupe de communications est consacré aux amitiés féminines . François Melançon et Paul-André Dubois examinent une trentaine de lettres échangées entre 1718 et 1758 par Mère Duplessis de SainteH élène, supérieure à plusieurs reprises de l'Hôtel-Dieu de Québec, et une amie de France, Madame Hecquet. Ces missives formeront la première tranche d'une éventuelle édition de la correspondance de la famille Regnard-Duplessis. sciences humaines 123 Une troisième membre de l'ALAQ, Julie Roy, analyse les lettres adressées aux journaux par des femmes canadiennes entre 1778 et 1839. Frédérick Durand, de son côté, étudie les modifications et les additions exigées par l'adaptation de la pièce française Les deux orphelines en vue de sa publication comme feuilleton dans La Patrie de Montréal. Monique Boucher-Marchand s'inspire de Bachelard pour relever les images diurnes et nocturnes dans le Journal d'Henriette Dessaulles, édité par Jean-Louis Major. Un membre du Laboratoire, Martin Gélinas, suit la piste ouverte dès 1964 par Réginald Hamel et étudie l'érotisme chez Jovette Bernier, dont La chair décevante créait un scandale lors de sa parution en 1931. La troisième partie du recueil traite plus généralement des émotions et de la séduction. Lucie Desjardins aborde la question des transformations physiques qui révèlent le jeu des émotions, étude qui passionnait les moralistes et les artistes du XVII e siècle. Marc André Bernier relève les traces...