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SCIENCES HUMAINES 497 II suffit sans doute d'un vent plus rageur, d'une brume plus epaisse, d'un recif plus aigu pour precipiter l'horrune le plus vivant dans les profondeurs insondables de la mort. Mais Ie souverur d'un tel homme, qui appartient a I'Histoire, ne meurt pas. Et I'Histoire ne vaut que par ces hommes-lao C'est par sa tenacite, par son courage, par son acceptation des epreuves et du malheur, par sa foi meme en la dignite de l'homme que Jolliet ennoblit notre sang. Jolliet est Ie premier de nos grands hommes. Le premier qui soit ne sur Ie roc de Quebec. A noter que Ie demier texte commence par une charge incisive contre« beaucoup de jeunes intellectuels, trop avides de couper tous les ponts derriere eux », qui croient« avoir beau jeu en repoussant, en rejetant toutes les valeurs du passe» - allusion probable aux signataires du Refus global. Ces deux textes auraient pu figurer en armexe. Enfin, l'index exhaustif des noms « de personnes, peuples, tribus et ordres religieux» de meme que celui des noms de lieux se revelent partkulierement utiles. Quant au releve des variantes et ala longue cohorte des notes explicatives , elements fondamentaux de toute edition critique, indispensables adjuvants alajuste comprehension d'un texte, ceux que nous livre l'edition de N€ aQuebec sont absolument sans reproche. Graces en soient rendues aux auteurs. (JACQUES BLAIS) Paul Perron, Semiotics and the Modern Quebec Novel. A Greimassian Analysis ofThbiault's «Agaguk}) Toronto, Buffalo, London, University of Toronto Press, call. Studies in Semiotics, XII-17° p., 40$ Je voudrais etablir, d'entree de jeu, une evaluation globale qui s/impose a rnoi et qui colorera ce compte rendu: les lecteurs anglophones desireux de decouvrir l'ensemble du travail de construction theorique operee par Greimas ainsi que les principaux chercheurs de l'Ecole semiotiquede Paris, trouveront dans cet ouvrage l'occasion d'une synthese exceptionnellement bien integree et tres efficace. Quand l'on sait la complexite de cette semiotique et l'etendue des savoirs qu/elle sollicite, on s/etonnera avec raison qU'tme telle synthese des avancees theoriques, doublee d'tme application'au texte d/un recit, puisse teni! dans un ouvrage de 170 pages. Et pourtant, tel est Ie cas! L'ouvrage corrunence avec une breve presentation des tendances historiques du roman quebecois, conduisant des premiers romans du XIXe siecle au roman d'Yves Theriault, Agaguk, qui paraH dans les annees 1950. Le chapitre suivant (2), intitule «The Semiotics of the Novel», propose un bref historique des travaux de linguistique et de semiotique menes au 498 LETTRES CANADIENNES 1996 cours du siecle, deJ'uis Ferdinand de Saussure et Vladimir Propp jUSqll'allX recherches de l'Ecole de Paris en passant par quelques articulations centrales, notanunent les modeles logiques construit par Louis Hjelmslev et qui, encore aujourd'hui, arientent de fa<;on importante les choix rnethodologique et epistemologique caracterisant les travaux de semiotique . Suivent deux brefs interrnedes: au chapitre 3, tm resume synoptique d'Agaguk; puis, au chapitre 4, un bref passage, extremement significatif, au l'auteur pose la difficile question de la segmentation prealable al'analyse. Compte tenu de la longueur de I'objet analyse en regard d'un poeme, d'une courte nouvelle ou encore du premier paragraphe d'tm conte, Ie probleme est, en quelque sorte, reporte au niveau de l'analyse du niveau intermediaire de la manifestation actantielle qui imposera, comme de l'interieur, la segmentation. Je crois iei, et Ie point me paraH important, que Perron a etabli, de fa<;on claire et convaincante l'irnpossibilite de detennmer prealablement a l'analyse un modele de segmentation. Les chapitres suivants construisent l'analyse d'Agaguk tout en demontrant la theorie greimassienne du recit. Je me ferai plus succinct, la complexite et surtout l'exhaustivite de cette analyse rendant impossible la tache de rendre compte du detail de chacune des demarches. Le chapitre 5, intitule «The Canonic Relation», est certainement Ie plus significatif sur Ie plan de la presentation de cette semiotique; l'auteur y etablit les coordonnees de base de la theorie et de I'analyse: distinction entre les differents -niveaux de la grammaire fondamentale, de l'articulation , sur un plan intermediaire, des relations actantielles puis du niveau superficiel du discours; morphologie des modalites fondamentales dufaire et de l'etre; etablissement des objets de valeur quills soient «pratiqlles» ou«mythiques )); inscription de ces objets al'interieur de modeles actantiels, ce qui conduit al'etablissement des programmes narratifs. Chacun de ces constituants de la construction theorique est illustre par son application a des elements du roman de Theriault. Le chapitre 6 est consacre al'analyse des modeles actantieis OU sont distingues - etdonc mis en relation - differents plans correspondant ades espaces concentriques, l'analyse allant du plus etendu au plus resserre: l'envirormement physique, la faune, l'envuonnement social et enfin la vie de couple. L'analyse ace niveau fait la preuve d'une tres grande coherence dans la mise en articulation de ces plans; on pourrait rappeIer, pour un simple exemple, la mise en relation de la lutte epique avec Ie loup blanc qui sert, en quelque sorte, de pretexte ou de preparation ala scene finale du renouvellement des relations dans la vie de couple. Le chapitre 7 construit les rnodalisations. La pouvoir, associe ala vie en societe, est elabore suivant les deux types de realisation que sont les elements appartenant aux registres mythique et pratique. La modalite du SCIENCES HUMAINES 499 savoir est analysee dans les diverses realisations reliees al'instinctuel, au social et au mythique. La modalite du vouloir est successivement saisie comrne enjeu individuel transitif(quete de biens) puis intransitif(preoccupation de Ia survie). Enfin la modalite du devoir permet a l'auteur de prendre en compte les relations de l'individu asa collectivite. Le chapitre8, intitule.. « ActantialTransformations» presente l'aboutissement Ie plus significatif, en ce qui me concerne, de }'analyse d'Agaguk, soit huit transformations qui sont au cceur du roman. Ces transformations, toutes fondees sur des modeles actanciels, touchent Ie chef de la tribu dans ses relations au contrat social Ie liant asa tribu et dans sa relation ases intefl~ts personnels. Puis Ie couple est saisi successivement suivant six lieux logiques de transformation: subjectivite et emancipation, emancipation et famille, patemite, instinct et connaissance, femme, instinct et cOImaissance, homme, connaissance etinstinct et, pour terminer, la confirmation de la vie de couple.. Le dernier chapitre de }'analysepropose ce quej'appellerais Wle seconde synthese et qui en fait repond ala question de la segmentation qui avait ete laissee en suspens au debut de l'etude. Les analyses de modalites ainsi que les modeIes de transformations actanciels permettent d'analyser Ie roman en six sequences qui en epuisent Ie contenu narratif. De plus, ces sequences conduisent l'auteur a construire, a la toute fin, Ie modele d'un carre semiotique qui, au niveau des structures profondes, rend compte globalement de la totalite du roman, comme l'a revele cette semiotique. Je voudrais terminer en me detachant quelque peu de cette etude remarquable par sa justesse, son exhaustivite et son efiicacite, en termes d'introduction ala semiotique narrative, pourproposer aulecteur quelques commentaires W1 peu plus critiques et plus personnels. Le premier pointj c'est qu'en presentant cette semiotique narrative, l'auteur rend compte d'un travail de recherche, de decouverte qui s'estetale sur plus de vingt ans. Or toute entreprise de 'presentation, ulterieure ala phase de creation proprement dite.. devrait, me semble-il comporter quelques elements de critique ou, plus sobrement, de simple mise en perspective. Et de fait, des critiques extremement importantes ont ete apportees acette semiotique depuis lUle dizaine d'annees. On ne peut que regretter que Paul Perron s'en soit abstenu d'autant plus que la qualite de son travail n'en aurait pas ete rernis en cause; au contraire, je crois qu'il aurait gagne encore plus en cohesion et en puissance argumentative. Le second trait sur lequelje voudrais m'arreter hent al'interpretation du roman de Theriault. L'auteur prend soin d'avertir Ie lecteur - et i1 a certainement raison - que si ce roman, ecrit durant les armees 1950, situe son action et ses personnages dans la tOWldra de I'extreme nord, au milieu du peuple des Inuit, alors qu'en realite Theriault parle de sa culture, de son pays d'appartenance. On ne s,en etonnera pas, ce fut la de tout temps, lUl 500 LETTRES CANADIENNES 1996 caractere inherent a 1a litterature dite,exotique. S'appuyant sur cette position, Perron entreprend de suggerer une interpretation d'Agaguk en saisissant le romancomme une critique de Ia societequebecoise de l'epoque. Jevoudrais ici prendre une double position: premierement, j'appuie a fond cette idee et, personnellement, j'aurais ete tente d'aller encore plus loin sur cette voie interpretative. Mais je ne I'aurais pas fait dans ce contexte. Car, en toute rigueur ffiethodologique, la question est tout autre: rien dans I'analyse semiotique d'Agaguk n'autorise cette demarche interpretative; puis aucWl contenu de cette analyse ne vient fonder cette lecture sociale du roman. Ces quelques pages, appartenant ala conclusion, pour inb~ressantes queUes soient, n'en demeurent pas moins completement detamees de I'analyse qui ne Ie permet meme pas. L'analyse semiotique demeure integralernent descriptive, formeile et analytique; mais non interpretative. Les principaux acquis d'une analyse semiotique reposent dans la capacite qu'eile a de reconstruire, apartir d'un simple roman, les structures semiotiques, les voies de I'imaginaire,les espaces de desirs propres aIa culture aI'interieur de lagueJle elle s'inscrit. La est la limite - qui fait aussi sa force - de l'analyse semiotique. Ces pouvoirs de l'analyse semiotique avaient ete brievement annonces au deuxieme chapitre. Ce'sont ces elE~ments que l'on aurait du, me semble-t-il, retrouver en conclusion. Le demier paragraphe de I'ouvrage affirme: «there does not exist -a fundamental incompatibilitybetweena semioticapproachand other critical approaches ». Cette phrase demeure ambigue et meriterait certainement une precision. Sil'auteur a vouiu signifier que des critiques differentes sont tout aussi Iegitimes les unes que Ies autres, alors soit! Mais s/il a voulu proposer gu'elies ne sont pas exclusives, que des echanges de notions peuvent s'operer entre des entreprises critiques differentes, alors Ia il y a certainement une difficulte d'ordre methodoIoqique, sinon epistemologique . En reclamant un droit d'antecedence (<< a right of antecedence») en faveur de la semiotique sur les autres demarches, il Iaisse entrevoir une telle perspective. C'est d'ailleurs ainsi que se justifierait l'interpretation socio-historique esquissee d'Agaguk, dont j'ai fait etat plus haut et qui me parait problematique, precisement pour cette raison. Chacune des demarches critiques construit, asa fa<;ofll sur la base de ses propres criteres, un objet theorique qui lui sera specifique. Les differences entre ces demarches comptent parmi ce que notre domaine de la critique possede plus precieux et que l'on a tout interet a preserver. La specificite de la semiotique narrative, voila exactement ce dont Paul Perron fait la demonstration, et avec brio, dans cet ouvrage. Cela suffira amplement a recompenser Ie lecteur des efforts de lecture qu/il aura investis. (JEAN FISETTE) ...

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