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492 LETTRES CANADIENNES 1998 Dans ce contexte, l'interet de l'Eglise prevaut sur celui du peuple merne si, dans les mandements et les lettres pastorales, on soutient que l'un ne va pas sans l'autre. Mgr Plessis en particulier argue « que de tous les liens qui attachent la masse de ce peuple au gouvernernent de Sa Majeste Britarmique , celui de sa religion est incontestablement Ie plus fort et qu'il est extremernent jaloux de la conserver telle qu'ill'a re~ue de ses peres, sans alteration ». En consequence de quoi, Ie gouvernement britannique a tout interet, pour ne pas «affliger les sujets catholiques de Sa Majeste», afaire en sorte « Iqlue lui [1'eveque] et ses successeurs soient civilement reconnus pour Eveques Catholiques Romains de Quebec)}, d'autant pIus que ces derniers ont toujours agi avec beaucoup de «deference [envers] les autorites etablies ». Bref, les mandements et les lettres pastorales des eveques soulevent de multipIes questions interessantes et on ne peut que saluer Adrien Therio de les avoir rendus publics. Plus les documents sont accessibles, meilleures sont Ies chances de les voir servir a de nouvelles interpretations de l'histoire. (PIERRE RAJOTTE) Roger Bernard, Le Canada franfais : entre mythe et utopie Ottawa, Le Nordir, 238 p., 26$ Les travaux du sdciologueRoger Bernard sontbien cormus des habitues des etudes sur 1a francophonie canadieIU1e. Dans Le Canadafranr;ais: entre mythe et utopie, il fait Ie point sur quelque vingt annees de recherches, en regroupant et en revisant onze analyses publiees al'origine dans les Cahiers Charlevoix, la Revue de l'Ul1iversited'Ottawa,1a Revue du Nouvel-Ontario, dans des recueils collectifs traitaht des questions linguistiques et identitaires, ainsi que dans ses propres livres Le travail et l'espoirl Le declin d'une culture et De Quebecois iz Ontarois. Si I'exercice ne semble pas de prime abord assurer 1a fraicheur du propos, il a Ie merite d'offrir une synthese coherente sur les enjeux linguistiques et culturels de cette fin de siecle. A partir de l'Ontario franc;ais, s'affairant avec l'attirail de la sociologie et de la demographie, Bernard disseque la construction symholique du Canada franc;ais, de cet espace idealise en Amerique du Nord qui aurait pu s'epanouir al'interieur d'un pays bilingue et biculturel. Plus qu'un mythe, qu'« une pure construction de l'esprit» ayant « existe dans l'imaginaire des Canadiens-Fran<;ais [sic] en mal de pays let] se sentant al'etroit dans Ie Canada britarmique d'apres la Conquete», Ie Canada franc;ais confine desorrnais «au projet impossible, [a] une utopie ». Pour BernardI Ie poids du pays reel efface les contours du pays reve. En depit du bilinguisme offidel, Ie Canada « est effectivement, dans la vie de tous les jours, un pays de langue anglaise et de culture anglo-saxonne ». Quant au Quebec, il«reussira encore pendant un certain temps aentretenir l'experience d'une SCIENCES HUMAINES 493 francite nord-americaine avant de la transformer en experiences quebeeoises , de traditions canadiennes et. fran<;aises qu'elles etaient au point de depart ». Entre les dynamiques structurelles de ces deux espaces politiques, ceux et celles qui furent des Canadiens fran~ais deviennent des lors des«etrangers aeux-memes ». Le constat du sociologue trahit l'amertume du paradoxe: «[N)ous n'avons jamais quitte Ie pays; c'est plutot Ie pays qui nous a quittes ». Al'appui de sa these, l'auteur prend soin de relever les etapes historiques de I'elaboration de ce« beau reve», des I'origine du peuplement, grace ala mise en place des reseaux migratoires provenant de la vallee laurentieIUle vers les territoires du Sud ontarien, de l'Outaouais ou du NouvelOntario . Puis, son portrait des tendanees socio-demographiques actuelles de l'Ontario canadien-fran<;ais se fait terrible pour les tenants du mythe : une population vieillissante, une pratique du bilinguisme transformant Ies references de l'identite et donnant prise ades appartenances multiples, une exogamie modifiant profondement l'organisation familiale. Phenomene majeur caracterisant l'evolution des communautes francophones en situation minoritaire, I'exogamie occupe une place de choix au cceur des analyses du sociologue. Ou developpement et des enjeux des mariages a l'exterieur du groupe d'appartenance, Bernard en degage des consequences deleteres pour Ie renouvellement et Ie maintien des francophonies minoritaires. Dans les foyers exogames, etant donne la force d'attraction de l'anglais, les transferts linguistiques s'accroissent au sein de la seconde generation. En plus de favoriser l'emergence d'une identite« bilingue», Ie bilinguisme des jeunes generations sous-tend souvent l'adoption de l'anglais comme langue principale. Ces choix individuels ont ainsi des consequences sociales, puisqu'ils peuvent disloquer les references communautaires canadiennes-franc;aises. Tout au long de son argumentation, Le Canada fran9ais .. . interesse particulierement Ie lecteur par l'attitude de son auteur. Au lieu d'exprimer avec Ies tremolos rhetoriques de l'eschatologie, Roger Bernard prefere la double pratique du doute ontologique et du soud de l'exactitude scientifique . Precautionneux, il delimite regulierement les marges de ses enguetes quantitatives par ses references ala methode sociologique et par son emploi de I'appareillage des sciences sociales. Si I'auteur marque sa fidele obedience aux ideaux de la Science etsa coherence avec ses propositions de base, son usage de cet echafaudage, pour reprendre Ie mot de Fernand Dumonti masque quelquefois la structure meme de]'edifice.En temoignent par exemple ses digressions sur la science demographique, mais surtout l'aridite schematique de la demonstration. La science, cette demarche critique de questionnement, n'exclut pas necessairement Ie style, quoi que I'on en pense. Publies d'abord dans Ie recueil Francophonie ontarienne. Bilan et perspectives de recherche (5. 1a dir. de Jacques Cotnam, Yves Frenette et Agnes 494 LETTRES CANADIENNES 1998 Whitfield, 1995), ses «Prolegomenes al'etude du Canada franc;ais» constituent l'un des elements les plus forts de l'ensemble. D'emblee, }'auteur attise la polemique en etrillant vigoureusement les bilans de 1a recherche sur Ia francophonie canadienne etablis depuis une vingtaine d'annees. Seion Bernard, il se pourrait que «les bilans et les recherches ne soient pas assez "scientifiques" pour satisfaire aux canons de la methodo!ogie », les bilans n'etant« que Ie reflet de ces faiblesses». En effet, souvent descriptifs, ces der:r:iers font l'economie d'une veritable recension de la production scientifique, enne degageant pas nettement les problematiques pour mieux les situer « a l'interieur de l'ensemble des recherches repertoriees». Problematiques qui SOllvent n'en sont pas, vu l'absence combinee d'hypotheses et de liens de causalite afferant a l'explication. Pis encore, la recherche commanditee, veritable« systeme de blanchiment», favorise« un nivellement par Ie bas» ou les chercheurs, devant respecter « les dernieres directives de la rectitude politique des agences subventiOImaires », ne peuvent ni definir par eux-memes leurs propres problematiques, ni presenter les essentiels processusmethodologiques devalidation desresuitats. lei, Ie jugement est severe, mais conserve toujours sa pertinence et son actualite amaints egards. Le leeteur peut ainsi verser au dossier certaines contributions au recent recueil Francophonies minoritairesau Canada: IIetat des lieux (5. la dir. de J.-Yvon Theriault, 1999), contributions dont la faiblesse alimente les critiques soulevees par Ie sociologue ontarois. Puis, d/une maniere fort surprenante, l'argumentation des « ProlegomEmes ... » evacue du revers de la main la question de la proximite du chercheur avec son objet d'etude. Des lors, l'analyse se fait un peu courte sinon epidermique. Pour etayer cette critique, en reprenant l'argument de Bernard suspendu en plein vol, « bourdevisons)} un peu (Ie neologisme signifiant ici « parler ala maniere de, employer les concepts du sociologue Pierre Bourdieu»). Detenteurs d'un capital ala fois intellectuel et symbolique , les chercheurs en milieu minoritaire oscillent entre les logiques des champs scientifique et politique. Le premier champ encadre l'action strategique grace entre autres aux canons de la rnethodologie, du questionnement critique et de Ia validation des hypotheses par Ie jeu des refutations eventuelles. La logique du second champ est tout autre. lei, Ie positionnement strategique est fonction de I'adhesion aI'opinion dominante au- dans un groupe dont des elites militantes luttent pour la conquete de l'espace politique - ala doxa du combat. Ala decharge des chercheurs, illeur est parfois difficile d'echapper aux contingences du champ politique sans payer Ie prix de I'exclusion du groupe. Ce faisant, ils risquent de perdre toute Iegitimite au regard des acteurs du champ scientifique, d'autant plus s'ils en transgressent les regles normatives. Aussi, ce n'est pas tant l'appartenance ethnique des chercheurs indigenes qui les separe de l'ideal de l'objectivite scientifique, mais bien plutot leur absence de discemernent entre ces deux logiques, lorsqu'ils quetent leur pitance atous les rateliers. SCIENCES HUMAINES 495 Quoi qu'il en soit, Le Can'ada fran(ais ... temoigne d'tme recherche fine, prudente et serree, qui Ieve les voiles d'un mythe sans se preter a une hermeneutique sterile du soupc;on et du procE~s d'intentions. Par son plaidoyer pour une plus grande rigueur methodologiquef I'ouvrage milite aussi en faveur d'une deontologie dt; l'analyse scientifique des communautes minoritaires. A ce double titre, la syntttese des vingt armees de travail de Roger Bernard merite bien l'interet et la sympathie du lectorat. (MARTIN PAQUET) Donald Smith, D'une nation a['autre. Des deux solitudes afa cohabitation Montreal, Stanke, 1997, 166 p., 17,95$ Ce livre comprend trois parties: d'abord,I'itineraire personnel de l'auteur, auquel succede un « dialogue imaginaire» avec des membres de la communaute anglophone denonces par Donald Smith (au premier rang desquels WilliamJohnson, Diane Franciset Barbara Arniel); puis des entrevues avec Jim Corcoran, Larry Hodgson, Nancy Huston et Nanette Workman, ces «voix de la comprehension». La premiere partie comprend une trentaine de pages. Donald Smith, apres avoir rappele que «Ie moi est halssable»f presente son «propre itineraire afin d'illusLTer les reelles possibilites de connaltre l'autre peuple, l'autre langue, l'autre culture, d'en faire son identite profonde sans pour autant nier ses origines». De sa naissance aToronto asa vie actuelle dans l'Outaouais quebecois, Smith a acquis peu apeu - tres souvent par I'entremise de l'ecole - ses convictions sur « la dualite linguistique, culturelle,«identitaire» du Quebec et du Canada anglais ». Al'ecole secondairef Ie professeur Posteuka lui « a donne envie d'apprendre Ie fran~ais »; au College Glendon de l'Universite Yorkf Hedi Bouraoui 1'« initia ala notion de la francophonie »; tandis que Jacques Cotnam «partagea avec [lui] les avanies de son adaptation a la Ville-Reine». II frequenta par la suite l'Universite Laval, la Sorbonne (maitrise en lettres) et, enfinf rUniversite d'Ottawa (doctorat) au il fit la connaissance d'Adrien Therio qui lui proposerafala fondation de la revue Lettres quebecoises en 1976, la chronique des entrevues, prelude aplusieurs rencontres d'ecrivains. Bref, cursus litteraire, rencontres, amities, carriere dans les lettres (enseignement, edition, publication) balisent Ie parcours de Donald Smith, qui« porte [en lui] des identites quebecoise, fran~aise, anglaise, irlandaise, ontarielU1e, manitobaine ». eet enrichissementque representent ces « identites multiples» ne semble pas partage par tous, notamment WilliamJohnson, Diane Francis et Barbara Amiet ces « fanatiques » qui colportentfselonSmith, force prejuges haineux al'endroit du Quebec. Williamlohnson, tout president d'Alliance Quebec qu'il est, possede une formation en litterature. Smith lui reproche de traiter ...

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