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  • Ecologie, libéralisme et démocratie :une introduction
  • Éloi Laurent (bio)

L’écologie, comme l’économie, est politique au premier chef. Nos crises écologiques sont ainsi des questions sociales : elles peuvent se comprendre à la lumière des inégalités de revenu et de pouvoir et se résoudre à l’aide des principes de justice et au moyen de bonnes institutions.

Cette approche social-écologique n’est pas seulement utile, elle est aujourd’hui particulièrement nécessaire : tant que les questions écologiques ne seront pas systématiquement éclairées sous le jour des réalités sociales, et notamment des inégalités, elles demeureront de l’ordre de la politique étrangère pour la majorité des citoyens, alors même qu’elles forment le cœur de leur quotidien. Tant que les enjeux écologiques ne seront pas encastrés (au sens de Polanyi), la « morale » environnementale sera perçue dans le débat public comme une nuisance sociale. Tant que les enjeux écologiques ne seront pas domestiqués, la « cause » environnementale sera réduite à un parti de la catastrophe, anxiogène et finalement insupportable.

Cette politisation des débats écologiques, qui ne revient pas à leur polarisation, revêt un caractère d’urgence. Car il n'est guère douteux, hélas, que les événements extrêmes liés au changement climatique augmenteront les inégalités entre individus et entre groupes sociaux, entre pauvres et vulnérables d’un côté, riches et résilients de l’autre, [End Page 105] dans les pays pauvres comme dans les pays riches. Les plus vulnérables parmi nous – les Africains-Américains pauvres frappés par les conséquences de l’ouragan Katrina en 2005 à la Nouvelle-Orléans comme les personnes âgées isolées fauchées par la canicule de 2003 à Paris –, font figure de sentinelles écologiques : ils nous permettent d’anticiper ce que sera le sort du plus grand nombre si rien n’est fait pour contrer l’effet de ces crises. Nous entrons à peine dans l'ère des inégalités social-environnementales. La distinction établie par Rousseau dans son Discours sur l’origine de l’inégalité parmi les hommes (1754) entre inégalités « naturelles » ou « physiques » (santé, âge) et inégalités « morales » ou « politiques » (« autorisées par le consentement des hommes ») va devenir de plus en plus illusoire. Les inégalités de demain seront autant sociales qu’écologiques et elles auront une dimension biologique du fait de l’impact de l’environnement sur la santé humaine.

Cette articulation entre défi écologique, enjeux sociaux et question politique se trouve au cœur des deux articles de ce dossier « Ecologie, libéralisme et démocratie ». Le premier examine la place de la question environnementale dans les pensées libérales, dont celle de Tocqueville. Le second s’interroge sur le recours que constitue ou non la démocratie pour nos sociétés écologiquement insoutenables. Les deux, ensemble, invitent à penser une nouvelle écologie politique dont le fondement est déjà ancien. [End Page 106]

Éloi Laurent

Éloi Laurent, Economiste à l’OFCE-Sciences Po-Paris ; à Stanford University (Bing Overseas Program in Paris et Stanford Environmental & Water Studies Program) ; à Harvard University (Center for European Studies et Environmental Science and Public Policy Concentration).

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