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  • La lutte contre les changements climatiques :pourquoi le Canada en fait-il si peu ?
  • Stéphane Dion (bio)

Le Canada est l'un des pays les plus admirés du monde. Plusieurs études comparatives le montrent. Encore récemment, un sondage international réalisé par le Reputation Institute classait le Canada au premier rang sur cinquante pays pour l'admiration et l'estime qu'il suscite1.

On aime le Canada pour sa qualité de vie, sa stabilité politique, sa tolérance, son rôle dans le monde. Voilà un pays qui n'a jamais été l'agresseur, n'a jamais eu d'empire, n'a recouru à son armée que pour promouvoir la paix, la justice et la démocratie et a combattu bravement lors des deux guerres mondiales. Par leur leadership dans l'édification des institutions multilatérales, depuis la rédaction de la Déclaration universelle des droits de l'homme à l'invention des casques bleus, jusqu'à la Convention sur l'interdiction des mines antipersonnel, les Canadiens ont mérité une réputation de bons citoyens du monde. Mais on aime aussi le Canada pour l'immensité de ce semi-continent, ses paysages grandioses et son infinité de lacs, de fleuves, de forêts et de montagnes.

Le Président Chirac a exprimé avec lyrisme cette admiration mondiale pour le Canada : « Un pays immense, terre des Premières nations, terre des Inuits, terre à la fois anglophone et francophone, qui perfectionne, dans la paix et dans la tolérance, l'art de vivre ensemble2. » [End Page 21]

Les Canadiens sont sensibles à ces compliments et aiment penser qu'ils les ont mérités. Un des Canadiens les plus célèbres, l'ancien Premier ministre Pierre Elliott Trudeau, a dit :

Les habitants du Canada et les étrangers considèrent ce pays comme un haut lieu d'humanité, comme un refuge de sagesse dans un monde de plus en plus agité. Il n'est pas nécessaire d'aller chercher plus loin ce que nous sommes. Cette tolérance, cette courtoisie, le respect des autres et de la nature sont des traits qui nous sont particuliers. Je crois qu'il serait difficile de trouver une forme plus élevée de sentiment national3.

Aussi est-ce un choc pour beaucoup de Canadiens de constater que dans un domaine, appelé à devenir l'un des plus cruciaux pour l'humanité, leur pays se retrouve au banc des accusés. Dans la lutte contre la crise des changements climatiques induits par l'activité humaine, le Canada n'apparaît plus du tout comme un bon citoyen du monde ; il est dénoncé comme un paria, sinon un saboteur4. Année après année, le Canada obtient l'un des pires classements du Climate Change Performance Index. Dans le rapport 2011, il se retrouve 54e sur 57 pays (la France se situe au 6e rang).

Le bilan du Canada est-il vraiment à ce point négatif ? Je crois pouvoir démontrer ici qu'un examen sobre et objectif amène à poser un jugement plus nuancé : le Canada n'est pas le pire de tous, mais on doit le classer parmi les derniers de la classe. Une classe de cancres, faut-il ajouter, compte tenu du gouffre qui sépare la performance des différents pays en termes de réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) et les réductions recommandées par les scientifiques pour limiter le réchauffement planétaire à moins de 2C au-dessus des températures préindustrielles5. Au-delà de ce point de non-retour climatique, les effets du réchauffement pourraient avoir des conséquences très graves, y compris, comme nous allons le voir, pour le Canada.

Autrement dit, le Canada est à ranger parmi les plus cancres des cancres. Comment expliquer ce médiocre bilan de la part d'un pays qui nous a plutôt habitués à d'honorables performances internationales dans quantité de domaines ?

Serait-ce parce que le Canada serait lui-même immunisé contre les changements climatiques ? Au contraire, je vais le montrer, il est particulièrement vulnérable en tant que pays nordique. [End Page...

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