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  • Lous Passatens, entre références littéraires et conventions sociales:Une écriture de l’instant
  • Sylvan Chabaud

La proposition de la revue Tenso de réaliser un numéro consacré à Bellaud de la Bellaudière et à la Renaissance occitane est une occasion de revenir sur notre récent travail effectué dans le cadre d’une thèse de doctorat à l’Université Paul Valery.1 Il nous a cependant semblé intéressant de poursuivre l’étude des textes bellaudins et d’entamer une réflexion sur l’autre recueil de sonnets: Lous Passatens. Nous profitons donc de ce numéro pour aborder la suite de cette œuvre colossale qui est à la fois une rupture et une continuation des Obros et Rimos.

Dans l’édition critique des Sonnets et autres rimes de la prison, nous avions consacré une large place à l’étude de la structure chronologique. L’emprisonnement impose un cadre temporel qui porte en grande partie l’originalité et le souffle du recueil: le premier (et le seul à notre connaissance) recueil de sonnets bâti tel un journal de prison. Avec ce texte, les choses sont beaucoup moins simples. Il s’agit d’un recueil vraisemblablement organisé post-mortem par Pierre Paul; Bellaud y développe sa création en relation avec le personnage de l’oncle: ce dernier, au fil des sonnets, devient un interlocuteur privilégié, un véritable double du poète, un passeur de mémoire bellaudine, jusqu’à devenir poète à son tour avec sa Barbouillado. Nous ne reviendrons pas ici sur cette structure voulue par l’oncle d’alliance et éditeur de Bellaud, nous renvoyons à l’étude de Robert Lafont sur ce sujet. Nous essaierons de contourner la principale difficulté imposée, en faisant une croix sur toute étude structurelle et en premier lieu temporelle. Le temps historique ne fonctionne pas dans ce recueil, le temps qui y passe (justement…) n’est pas déroulé de façon continue, marqué par des repères précis. Il s’agit plutôt d’un temps morcelé, découpé, éclaté: des tranches de vies. Des morceaux plus ou moins ordonnés par Pierre Paul, mais très certainement écrits au jour le jour: les témoins fragiles d’une poésie de l’instant. [End Page 31]

Essayons donc de prendre cette œuvre comme elle vient, sans la corseter dans une hypothétique architecture. Nous y découvrons un recueil-mosaïque où le poète fuit le tragique déroulement d’une histoire sanglante et semble vouloir tirer un trait définitif sur la terrible chronologie de la prison. Le titre même de Passatens, très ouvert et presque banal, exprime parfaitement cette souplesse poétique, ce goût de la “variété.” On pense à Baïf qui a lui aussi composé un recueil de pièces compilées portant le même titre et représente une influence de taille pour ces Passatens. Laissons nous donc guider, hors du temps, avec pour seul repère le rythme de ces sonnets provençaux, souvent si bien troussés. Ces Passatens sont jonchés de repas, de beuveries, de parties de campagnes et de fêtes citadines, mais aussi de nombreux sonnets de circonstance (nous employons ici cette notion sans valeur dépréciative) évoquant souvent des évènements mineurs, des détails du quotidien. On y remarque quelques grands ensembles, des séries de poèmes consacrés à un même thème, une même image (série sur la mort, le bidet, les ferrades…). Enfin, le recueil est saupoudré de pièces dédicatoires, largement consacrées à des doléances, des demandes de faveurs ou de paiement: et c’est ici un poète sans cesse à la limite du déclassement social que l’on découvre. Un poète au statut fragile qui excelle dans l’autodérision et porte, sans jamais cacher sa sensibilité, le masque de l’humour.

Sonnets de bonne chère

S’il y a un domaine dans lequel Bellaud excelle lorsqu’il s’attache à décrire des moments de la vie provençale, c’est bien celui des repas et des grandes beuveries. Nous pouvons tout au...

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