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  • Consuelo: Sur le chemin de la réalisation spirituelle
  • Caroline Jumel

Consuelo, et sa suite, La Comtesse de Rudolstadt, écrits respectivement en 1842 et 1843, reflètent une touche d’optimisme chez Sand, quant à la condition de la femme et à sa libération potentielle du joug de l’homme. Je montrerai comment à partir de déplacements verticaux physiques (déplacements d’abord géographiques dans l’espace européen, du sud vers le nord de l’Europe, puis de profondeurs souterraines à des hauteurs, la tour de Spandau), l’héroïne éponyme parvient à s’élever moralement, ainsi qu’à se sortir de la sphère typiquement définie comme féminine pour s’inscrire dans les marges de la société. Sand croyait encore possible, avant 1848 (et dans la lignée des prémices libérateurs et émancipateurs de la Révolution de 1789) une transformation sociale, et plus particulièrement au regard de la position de la femme. En effet, juste avant 1848, époque où Sand écrit ces deux œuvres, la situation sociale, politique et économique semble très favorable au progrès, spécifiquement en faveur des femmes. Sand situe donc la diégèse de ses deux romans juste avant l’époque de la Révolution afin de mieux souligner sa foi en le progrès et les idées qui ont été initiés à partir de 1789 et qui continuera jusqu’aux désillusions de 1848. La femme peut être l’égale de l’homme en matière d’actions sociales, voire même un guide, comme il est question entre Consuelo et Albert, son mari, ainsi qu’entre Wanda, la mère d’Albert, mais aussi chef spirituel de Consuelo et la secte des Invisibles (groupe à tendance réformatrice, qui lutte essentiellement pour les principes de la République et de la démocratie, et dont le leitmotiv est “Liberté, Egalité, Fraternité”).

Néanmoins, il faut souligner que même si Sand souhaitait ardemment un changement social, elle s’opposait à toute forme de transformation [End Page 175] qui impliquait la violence ou un engagement trop marqué. Une phrase-clé de La Comtesse de Rudolstadt, prononcée par un des membres initiateurs de la secte des Invisibles, montre bien cependant à quel point l’engagement à tendance réformatrice de George Sand était une réalité:

Cependant le combat a changé de terrain, et les armes de nature. Nous bravons encore la rigueur ombrageuse des lois, nous nous exposons encore à la proscription, à la misère, à la captivité, à la mort; car les moyens de la tyrannie sont toujours les mêmes: mais nos moyens à nous ne sont plus l’appel de la révolte matérielle, et la prédication sanglante de la croix et du glaive. Notre guerre est tout intellectuelle, comme notre mission. Nous nous adressons à l’esprit. Nous agissons par l’esprit. Ce n’est pas à main armée que nous pouvons renverser des gouvernements [. . .] Nous ébranlons leurs bases

(366).

Durant tout le roman, le lecteur assiste à l’évolution spirituelle de Consuelo. De pensionnaire d’une école de chant en Italie, à Venise, à cantatrice de théâtre, celle-ci se transforme psychologiquement au cours de ses déplacements physiques et de ses rencontres. Elle débute en tant qu’élève du maître Porpora et est, avant tout, sujet de ce maître de musique. À ce stade, Consuelo est relativement passive et naïve, et peu consciente des pouvoirs potentiels qui habitent la femme. Puis, elle quit-te Venise par déception amoureuse et s’installe au Château des Géants en Bohème où elle rencontre Albert de Rudolstadt. L’influence de ce dernier va lui ouvrir les yeux sur la misère du monde et sur les actions possibles à mener au regard d’une amélioration des conditions de vie sociale, des pauvres, mais aussi des femmes.

L’enjeu est donc de suivre la trace de cette ouverture progressive. Je montrerai comment de Venise en Bohème, puis à Vienne, pour enfin finir dans un endroit non défini spécifiquement du point de vue géographique, Consuelo acquiert une vision différente du monde qui l’entoure. Cette nouvelle perception la fait...

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