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YYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYY QUAND L’ART ASSURE LA SURVIE... OU LA NÉCESSITÉ DE L’ART DANS LES PAMPHLETS DE LOUIS-FERDINAND CÉLINE AGNÈS HAFEZ-ERGAUT “QUI peut comprendre ce que veut dire Céline lorsqu’il s’écrie : ‘L’art n’est que Race et Patrie ! Voici le roc où construire! Roc et nuages en vérité, paysage d’âme’ ?” (Laudelout, 1). Ainsi Marc Laudelout, citant Céline, s’insurgeant dans Les Beaux Draps, contre l’affirmation selon laquelle “L’art ne connaît point de patrie” (Céline, 177), s’interroge-t-il en réponse à son interlocuteur, Charles Champetier, le questionnant sur le racisme de l’auteur des pamphlets. Qui peut comprendre en effet une telle affirmation qui réduit l’art à la race et à la partie et où se mêlent l’esthétique, le biologique, l’évanescent et le spirituel en une métaphore contradictoire? C’est pourtant ce que nous tenterons de faire dans le présent propos : comprendre, ou tout au moins interpréter, à partir des pamphlets , Les Beaux Draps et Bagatelles pour un massacre en particulier, les éléments mis en rapport et si lyriquement exprimés dans cette exclamation , dont les contradictions révèlent, au mieux, la complexité, non des idées de Céline, qui se targuait de ne pas en avoir,1 mais de son souci de l’esthétique : l’art, la race et la spiritualité. Sans doute est-il superflu de rappeler les sujets principaux de L’Ecole des cadavres, des Beaux Draps et de Bagatelles pour un massacre: la décomposition sociale de la France (mais aussi de l’Europe) par un matérialisme effréné et une raison annihilante qui l’asservit à l’utile et au profit, sa décadence par le recours à un amalgame culturel, ethnique, politique meurtrier, sa déchéance par l’abandon de ses racines spiri1 Sur ce point, voir Entretiens avec le professeur Y 19. YYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYYY 165 tuelles ancestrales et de son âme, dont l’échec des arts est la manifestation visible puisque, le déclare Céline, “spirituellement, nous sommes retombés à zero, atterrants, ennuyeux à périr. Tous nos Arts le prouvent” (Céline, L’Ecole des cadavres 122). L’on connaît également la rhétorique, et le ton hyperbolique employé pour la formuler, de ces pamphlets, marqués certes par la paranoïa et la haine, mais aussi par l’impuissance et le désespoir qu’elle inspire :2 ces désastres ne sont pas fortuits. Ils s’expliquent, d’après leur auteur, par le double fait d’une mainmise politico-idéologique, intitulée “Les juifs,” et de la complaisance “aryenne” suicidaire qui, par sa complicité coupable, permet à cette emprise de prospérer. Or, nous y faisions allusion précédemment, une donnée constitue l’un des ressorts de ce discours tourmenté et véhément. Il s’agit de l’art, très exactement, de son échec, dont la cause tient en un mot: la raison. “Le fanatisme objectiviste nous tue” s’écrie Céline. [. . .] “Foutre des poésies mécaniques! Poésie est morte avouons-le! Tous nos Arts gisent grotesques, lourds rebuts raisonnants, surchargés d’astuces malheureuses , de mufleries tragiques” (L’Ecole des cadavres 132). En effet, nous dit Céline dans Les Beaux Draps, où il fustige “la grande mutilante de la jeunesse [qui] ne crée pas des hommes ailés, des âmes qui dansent” (160), à savoir l’école républicaine, coupable selon lui de “[fabriquer] des sous-hommes rampants” (160), les arts sont voués à la désagrégation et à l’obsolescence dès qu’ils déclarent forfait face à la “raison raisonnante” (160) et qu’ils s’y soumettent; c’est à dire, dès qu’ils abandonnent, au profit d’un cadre idéologique aliénant, leur source primitive d’inspiration. Or, la mainmise de l’idéologie sur les arts est elle dans la France contemporaine qu’elle détruit toute “émotion,” qu’elle annihile tout “authentique”. Une entreprise rédemptrice de sauvetage de l’art, dont dépend la survie nationale, puisque “sans création continuelle, artistique, et de tous, aucune sociét...

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