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  • Introduction
  • Florence Ramond Jurney (bio)

Auteur de nombreux romans, livres pour la jeunesse, essais, et interviews, Gisèle Pineau est une favorite des études antillaises. Son travail est le sujet de nombreux articles, de chapitres de mémoires de maîtrise ou de thèses de doctorat, ou encore de chapitres de livres d’études critiques, tout cela orchestré par des chercheurs internationaux. Or, à ce jour, peu d’études rassemblent des perspectives critiques uniquement sur son œuvre. L’objet de ce dossier spécial est donc de combler une telle lacune en espérant que la multiplicité de perspectives sur les œuvres de Gisèle Pineau permettra d’en souligner les différences et les complémentarités.

Puisqu’il est le premier en date sur l’auteur, ce dossier spécial rassemble une certaine diversité d’articles. Si plusieurs reprennent des thèmes familiers aux spécialistes, mais qui permettent une vision d’ensemble indispensable au néophyte, d’autres apportent une perspective totalement nouvelle sur l’œuvre de Pineau. C’est dans l’espoir que ce choix varié puisse toucher un public large qu’il a été fait. Dans ce dossier spécial, c’est la notion de diaspora, avec tout ce qu’elle implique de mouvance, de langues multiples et de difficulté de prise de parole, d’espace antillais menacé et de violence individuelle mais aussi sociale, qui guide les réflexions critiques faites sur l’auteur.

Depuis la publication de son premier roman (La Grande Drive des esprits) en 1993, Gisèle Pineau peint le peuple antillais au quotidien sans oublier à ce tableau varié les couleurs de la diaspora, non seulement réflexion de sa propre expérience, mais aussi celle de toute la diaspora antillaise. Ce choix de sujet la distingue de certains de ses contemporains qui se concentrent sur les Antillais dans l’île antillaise (Chamoiseau, Confiant) et elle évoque dans plusieurs œuvres la vie des négropolitains, ces Antillais immigrés en métropole et tiraillés entre deux cultures (L’Exil selon Julia, Chair Piment, Fleur de Barbarie). Les différentes facettes de la diaspora ont déjà été étudiées par de nombreux chercheurs (Gilroy, Glissant, pour ne citer qu’eux), mais Brinda Mehta souligne dans sa récente étude en comparant hommes et femmes écrivains que “les femmes écrivains des départements français d’outre-mer vivant sur leur terre natale ou sur d’autres terres de la diaspora [. . .] font preuve d’une ‘plénitude diasporique’” (Mehta 8, ma traduction). Mehta insiste sur le fait que des auteurs tels que Gisèle Pineau mettent en relation dans leurs écrits diverses diasporas, telles que les diasporas [End Page 1] caribéennes et nord-africaines par exemple (8). Dans ma propre étude, Representation of the Island in Caribbean Literature: Caribbean Women Redefine Their Homelands, j’avais montré que certains auteurs caribéens féminins, dont Gisèle Pineau, créent un chez-soi dans la mouvance même du territoire diasporique, c’est-à-dire que ce chez-soi n’est pas ancré dans une réalité géographique fixe. Ainsi, ces membres de la diaspora revendiquent le passé et sa violence ainsi que le présent et ses dérives comme faisant partie de leur identité. C’est donc d’une identité inclusive dont il s’agit, des écrits qui permettent au lecteur de se dire: “Ah, ce sont des gens comme nous.”

Mouvances

La notion de terre maternelle s’élargit dans l’œuvre de Pineau d’une île qui appelle à l’au-delà, à des mouvances entre différents territoires (L’Exil selon Julia, L’Âme prêtée aux oiseaux, Fleur de Barbarie). C’est sous le signe de la mouvance que se présentent les premiers romans de l’auteur: mouvance familiale d’individus dont les liens affirmés ou tus tissent une généalogie qu’on ne peut fuir, ou encore mouvance physique d’individus qui doivent alors négocier à la fois leur antillanité mais aussi leur francité.

C’est avec Édouard Glissant et Antonio Benítez-Rojo que l’on trouve les théories les plus pertinentes sur la mouvance antillaise. D’explications justifiant l’impossibilit...

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