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  • Proche-orient
  • Carla Calarge

Eddé, Dominique. Kamal Jann. Paris: Albin Michel, 2012. isbn 9782226238375. 455 p.

Remarquable par son intelligence, le tranchant de son écriture et la finesse de son analyse, le dernier roman de Dominique Eddé est une peinture toute en nuances des problèmes qui gangrènent le monde arabo-musulman ainsi que des conflits qui déchirent ses intellectuels. Avec beaucoup d’intuition, l’œuvre dont la rédaction s’est terminée en octobre 2010 laisse préfigurer les soulèvements populaires qui vont commencer à secouer la Syrie quelques mois avant sa parution.

Née au Liban et vivant entre la Turquie et la France, Dominique Eddé est essayiste et romancière, et ses articles politiques paraissent régulièrement dans les journaux français. L’histoire de son dernier livre se situe essentiellement entre Damas, Paris et New York. Kamal, le héros éponyme du roman, est le neveu de Sayf Eddine Jann, le tout-puissant chef des services secrets syriens; il en est aussi l’une des innombrables victimes. Brillant avocat et militant des droits de l’homme, Kamal est la coqueluche des milieux huppés et gauchisants de la grande ville américaine. Il n’empêche que pour ce jeune homme adulé, l’hybridité, l’intégration et le succès ne sont qu’une surface lisse et raffinée au-dessous de laquelle bruissent les tourments d’une conscience coincée entre l’indicible douleur des traumas du passé et le silence hypocrite et poli du présent.

Kamal Jann est également un réquisitoire sans pitié du monde du pouvoir au Proche-orient avec son cortège de violences, de corruption et d’horreurs et son pendant de fanatisme et de radicalisme religieux. Il est une dénonciation non moins féroce du narcissisme et de l’arrivisme des nombreux “spécialistes” du monde arabe ou du Moyen-orient. Avec beaucoup de subtilité, Eddé renvoie dos à dos les intellectuels arabes et leurs homologues occidentaux en montrant une élite transnationale occupée non pas tant à militer pour des causes justes et humanitaires qu’à cultiver sa propre image pérorant pour de telles causes. L’appât du gain financier et le rêve de puissance contaminent d’ailleurs toute velléité de résistance de sorte que le champ est laissé libre aux politiques les plus réactionnaires et aux actions les plus inhumaines.

Le roman montre un univers où les rapports humains sont médiatisés par l’argent et le pouvoir, où l’authenticité n’existe pas et où les victimes deviennent souvent des bourreaux. Presque tous les personnages sont manipulés pour servir des intérêts qui les dépassent. La consommation devenue valeur ultime, l’homme n’intéresse que dans la mesure de son utilité et de son “utilisabilité”. Il [End Page 229] s’agit dès lors de se résigner ou de devenir fou, ce qui, le titre le prédit, est le lot de la famille Jann de par le sens de son nom en langue arabe. Kamal Jann est en somme un excellent roman qui montre au travers d’une conscience torturée la folie meurtrière qui gouverne notre monde, ce dans l’indifférence et l’ignorance générales.

Majdalani, Charif. Nos si brèves années de gloire. Paris: Éditions du Seuil, 2012. isbn 9782021055108. 188 p.

Né en 1960 au Liban, Charif Majdalani est professeur de lettres françaises à l’Université Saint-Joseph à Beyrouth. Son troisième roman Nos si brèves années de gloire continue dans la même veine littéraire que les deux premiers auxquels il renvoie par le retour de certains personnages ou l’allusion à certains faits, dates ou noms. Situé durant les quelques années folles qui ont précédé le début de la guerre libanaise en 1975, le roman raconte l’histoire un peu rocambolesque de Ghaleb Cassab, jeune aventurier romantique issu d’une famille appauvrie mais qui n’a de cesse de se forger une fortune colossale qui lui permettrait d’épouser celle qu’il a toujours aimée mais avec qui sa misère financi...

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