In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

  • Quand “Moins Égale Plus,” Une Interminable Distraction au Monde
  • Valérie Magdelaine-Andrianjafitrimo
De Robillard, Bertrand. Une Interminable Distraction au monde.
Paris: L’Olivier, 2011. ISBN 9782879297844. 111 p.

Avec la publication du nouveau roman de Bertrand de Robillard, Une Interminable Distraction au monde (2011), les éditions de L’Olivier poursuivent leur travail d’édition des littératures mauriciennes immédiatement contemporaines, au rang desquelles les œuvres de Shenaz Patel, Nathacha Appanah ou Barlen Pyamootoo, qui témoignent d’une recherche particulière sur le langage ainsi que sur la condition postcoloniale et postmoderne. Une fois de plus, après son premier roman L’Homme qui penche (L’Olivier, 2003), Bertrand de Robillard ne fait aucune concession aux attentes liées à “la perversion” du français par le créole, qui le laissent aussi “indifférent” (37) que son narrateur. Ce dernier loue un écrivain mauricien, dans lequel on pourrait peut-être reconnaître Amal Sewtohul et Histoires d’Ashok et autres personnages de moindre importance (37): selon lui l’œuvre tient moins son originalité de son usage de la langue créole que de la finesse de son humour.

Reprenant son écriture dépouillée, Bertrand de Robillard explore à nouveau une forme de dérive qui peut confiner à une certaine inanité et qui surprend le [End Page 317] lecteur, enclin à considérer qu’il a affaire à un roman énigme dont le sens est à chercher ailleurs que dans ce qui est immédiatement exposé. L’argument est en effet ténu. François, récemment retraité, et Claire décident de s’installer dans une nouvelle maison qui surplombe les falaises de Varechs. Contrairement à son épouse qui décide aussitôt d’aménager la maison, François ne parvient pas à en faire son lieu ni à s’adapter à l’environnement naturel, trop intense, trop excessif, qu’il s’agisse du soleil trop brillant ou du vent trop bruyant. Il lui est impossible de rien faire et surtout, impossible de lire, contrairement à ce qu’il avait prévu de faire. Il reste indéfiniment un “étranger” (31), a l’impression de perdre contact avec sa femme: “Il est vrai que depuis notre déménagement nous nous parlions moins” (44), perçoit qu’elle s’est implantée dans un lieu qui le refuse:

J’avais l’impression non pas qu’elle me trahissait, mais qu’une distance s’établissait entre nous . . . Probablement cette douce coloration de sa peau m’apparaissait-elle comme une manifestation muette de son adhésion à cette nouvelle vie dont je me sentais encore exclu.

(43)

Sur les conseils de Claire qui perçoit son désarroi et sa résistance à ce lieu qui le dépossède de lui-même, il la laisse dans leur nouveau domicile et retourne dans leur ancienne maison. Ce qui ne devait être qu’une courte séparation devient une rupture imprévue durant laquelle François commence à écrire et consomme à nouveau un peu d’alcool. Il trouve dans sa solitude une certaine cohérence et une forme de réconciliation avec lui-même. Il redécouvre une tranquillité qui lui permet une progressive renaissance et une réconciliation avec Claire. Leur échange de lettres laisse entendre un retour à la vie commune.

Ce roman, en apparence étique, laisse transparaître une interrogation sur le statut du texte, sur la contemporanéité de cette esthétique elliptique, de cette attention à un Moi autofictionnel. Dans François, amateur de jazz devenu abstème, on reconnaît une anamorphose de l’auteur, que l’on avait déjà vue en scène dans L’Homme qui penche. Dans cette première œuvre, le choix d’une narration entièrement à la deuxième personne du pluriel produisait la sensation d’une confession, qu’amplifiait le caractère autobiographique de certains des éléments du texte: expériences sportives, carrière musicale, chômage sont autant de phases de la vie de l’auteur, né en 1952 à Maurice et ayant comme son personnage vécu aussi bien à Paris, La Réunion qu’à Curepipe. L’attention au jazz est elle aussi essentielle pour l’auteur: ses premières publications sont des chansons et poèmes...

pdf