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Reviewed by:
  • L'Énigme du retour
  • Isabelle Constant
Laferrière, Dany. L'Énigme du retour. Québec: Boréal, 2009. ISBN 9782764606704. 289 p.

Dany Laferrière, écrivain haïtien vivant à Montréal, auteur d'une quinzaine de romans et récits, dont Comment faire l'amour avec un nègre sans se fatiguer (1985), Je suis un écrivain japonais (2008), Le Goût des jeunes filles (1992) et Vers le Sud (2006), ces deux derniers qu'il a portés au cinéma se démarquent ici de ses romans précédents par une stylistique novatrice et originale. Le titre de ce nouveau texte de Dany Laferrière ainsi que son épigraphe "Au bout du petit matin …," refrain du Cahier d'un retour au pays natal, rendent hommage à l'œuvre la plus célèbre d'Aimé Césaire exactement soixante-dix ans après sa parution en 1939; mais toute ressemblance entre les deux textes ne s'arrête pas là, car L'Énigme du retour pas plus que le Cahier ne se présentent sous forme de roman. Il s'agit plutôt ici d'un long poème en prose, net et clair, souvent incisif, parfois comique. Césaire, à l'époque où il écrit son Cahier, propose une vision tragique de la Martinique. La vision de Dany Laferrière paraît d'abord celle d'un regard étranger, sans doute [End Page 237] aimant, mais néanmoins extérieur. Puis, vers la fin du texte, cette impression se modifie quand il est enfin reconnu pour celui qu'il est, alors qu'il se recueille sur une tombe dans le village natal du père, décédé à New York. Il est Legba, le Dieu des carrefours et du passage entre la vie et la mort, mais aussi le fils de Windsor K. Le titre, nous dit l'auteur, s'inspire à la fois du roman de Naipaul L'Énigme de l'arrivée et du tableau du même titre du peintre italien surréaliste Giorgio Chirico. Dans une interview, Dany Laferrière précise que le récit de Naipaul:

raconte comment le propriétaire d'un domaine du sud de l'Angleterre, après une carrière coloniale et souffrant d'une dégénérescence, décline lentement vers l'anéantissement final. […] Je trouvais cette expression frappante: l'énigme de l'arrivée. […] Puis j'ai pensé que le retour pouvait être plus énigmatique encore que l'arrivée. […] revoir les choses et ne pas les reconnaître me semble plus énigmatique.

(Sroka 44)

Il apparaîtra finalement que ce n'est pas tant à reconnaître qu'à être reconnu par les êtres et les choses qu'aspire Laferrière durant ce retour. Trente ans après son exil forcé, l'art sous toutes ses formes happe le regard de l'écrivain. La beauté est présente dans les tableaux des Haïtiens, car ils y incluent tout ce qu'ils ne voient pas autour d'eux, les fruits, les feuilles, les couleurs chatoyantes. L'écrivain rend visite à un ancien ami révolutionnaire de son père, ex-ministre du Commerce, devenu si riche qu'il possède un musée personnel d'art haïtien, puis à Frankétienne, artiste prolifique et écrivain. La photo du père, œuvre d'art par elle-même et qui constitue l'un des chapitres les plus poétiques du texte, donne lieu à un haïku et à une remémoration d'une tendresse nostalgique:

Un homme assis devant une chaumièreAvec un chapeau sur la tête.Une petite fumée montant derrière lui.

(36)

Comme dans le roman de Naipaul, ou dans le Cahier de Césaire, le personnel fusionne avec le politique, avec l'histoire des Antilles, dans l'esprit d'un Laferrière qui confond un père qu'il n'a pas connu et Césaire, le héros dont il porte le Cahier en permanence: "Dans mon rêve, Césaire se superpose à mon père. Le même sourire fané et cette façon de croiser les jambes qui rappelle les dandys d'après-guerre" (33). On...

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