In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Les Coutures apparentes de la Recherche: Proust et la ponctuation
  • Pascal Ifri
Serça, Isabelle . Les Coutures apparentes de la Recherche: Proust et la ponctuation. Paris: Honoré Champion, 2010. Pp. 278. ISBN: 978-2-7453-1892-3

Le sous-titre de ce nouvel ouvrage consacré à Proust est trompeur. En effet, son sujet n'est pas la ponctuation dans À la recherche du temps perdu, mais un élément de ponctuation bien particulier, la parenthèse, principalement dans "Combray". Plus précisément, l'auteur étudie dans le roman aussi bien les parenthèses, les signes typographiques, que la parenthèse, c'est-à-dire la digression ou l'incidente qui est si typique de l'écriture proustienne et dont elle démontre de façon convaincante qu'elle représente une figure de style aussi importante que la métaphore.

Après avoir justifié son étude, puis présenté un excellent aperçu de la question de la ponctuation chez Proust, Isabelle Serça définit précisément tous les sens du mot parenthèse, au singulier comme au pluriel, et les situe dans les traditions rhétorique, linguistique et littéraire. Elle arrive ensuite à l'"usage non conforme" que fait Proust des parenthèses, non conforme parce que souvent dans la Recherche celles-ci "ne sont pas imposées par la langue" (p. 76) ou "par une nécessité d'ordre syntaxique" (p. 79). Elle démontre d'abord cette affirmation à partir d'une approche linguistique qui lui permet d'étudier les effets variés créés par les différents types de parenthèses (et de tirets) dans le roman et de différencier celles qui se situent dans la continuité du texte de celles qui établissent une discontinuité. Puis, dans une perspective plus thématique, elle distingue deux types d'ajouts, en étendue et en profondeur, dont l'étude la conduit à affirmer que "les parenthèses sont l'instrument privilégié de ce lent et difficile éclaircissement pour traverser les apparences qui est au cœur de l'esthétique proustienne; elles expliquent, au sens étymologique—ex-plicare: déplier, dérouler—ce qui, sans cet effort d'analyse, resterait confus; ce sont autant d'auxiliaires précieux d'un Narrateur qui se veut avant tout un traducteur" (p. 132).

La deuxième partie de l'étude se concentre d'abord sur la parenthèse, au singulier [End Page 197] et donc au sens de digression, du point de vue narratologique et de celui du lecteur.

L'auteur parle alors de "brouillage" et de "va-et-vient" car la distinction entre le récit lui-même et la parenthèse ou la digression n'est jamais facile à établir chez Proust. En fait, les parenthèses constituent "à la fois des éléments de dispersion et de cohésion au regard de l'économie du récit" (pp. 157-158). L'auteur élargit ensuite son champ d'étude puisqu'elle démontre que l'opposition continuité-discontinuité que reflètent les deux types de parenthèses dans le texte se situe au centre de l'esthétique proustienne. Elle établit en particulier que les parenthèses "participent [. . .] des deux mouvements contraires—divergence vs convergence—qui sous-tendent la phrase et, au-delà, la vision de Proust: elles sont un des moyens par lesquels le texte crée tout à la fois sa discontinuité et sa continuité" (p. 193). Justifiant son titre, enfin, et reprenant l'idée que le Narrateur développe dans Le Temps retrouvé et selon laquelle son livre est construit "comme une robe", elle montre que les parenthèses proustiennes représentent en quelque sorte les "coutures apparentes" ou "les points de suture" (p. 213) d'un texte qui est composé de fragments.

L'ouvrage comporte également une brève conclusion, une riche bibliographie, trois index, dont celui des parenthèses dans "Combray", et le texte d'une parenthèse tirée du drame du coucher.

Cet essai, parfaitement clair et organisé et dépourvu de jargon, n'est donc pas seulement une étude grammaticale, linguistique ou stylistique d'un élément apparemment mineur de la Recherche. En s'attachant à la parenthèse sous toutes...

pdf

Share