In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Bible de l'humanité
  • Marilène Haroux
Michelet, Jules . Bible de l'humanité. Édition critique de Laudyce Rétat. Paris: Honoré Champion, 2009. Pp. 429. ISBN: 978-2-7453-1888-6

Contrairement à une opinion répandue, l'historien français Jules Michelet est encore lu et étudié. Il est vrai que certains textes sont mieux connus que d'autres. Laudyce Rétat offre une édition critique de la Bible de l'humanité, œuvre de combat parue en 1864 et guère lue au vingtième siècle. Il était grand temps de la relire et de la resituer dans son époque pour pouvoir cerner les enjeux et polémiques qui ont entouré sa rédaction.

Cette édition critique comprend, outre les repères chronologiques et éditoriaux, une longue introduction de Laudyce Rétat replaçant Michelet dans la succession de Vico et dans l'opposition à Renan, ainsi que les variantes du manuscrit et des notes de l'éditeur. Le texte de Michelet est constitué d'une préface, de deux grandes parties (I. "Les peuples de la lumière" 89-233, et II. "Peuples du crépuscule, de la nuit et du clair-obscur" 235-337) divisées respectivement en trois chapitres et en neuf chapitres, une brève conclusion et une table des matières détaillée. Dans l'introduction, divisée en sous-parties thématiques, Rétat rappelle que le projet micheletiste est fondé sur un rejet de l'héritage judéo-chrétien: Michelet écrit une nouvelle Bible, qui doit restaurer les ascendants négligés, à savoir la Grèce, l'Inde védique et la Perse. C'est dans un jeu de symboles créant un langage que Michelet s'aventure, prolongeant Le Peuple (1846) pour rendre aux ancêtres leurs héros, pour leur donner ainsi leur part d'héroïsme. Rétat, spécialiste de Renan, consacre plusieurs parties de son introduction à la polémique entre Michelet et Renan, la Bible de l'humanité s'inscrivant en contre-point de la Vie de Jésus (1863) de Renan. Comme le rapporte Rétat, Michelet s'oppose à la divinisation de Jésus mais il part surtout à l'attaque du christianisme, lui opposant "l'optique du brouillard lumineux" de la mythologie indienne. Rétat analyse aussi combien la femme est au cœur de la réflexion de Michelet, qu'il s'agisse de la figure de Marie, de Sapho, ou du mythe de Cérès. Elle interroge également ce qu'elle appelle "la typologie des 'races'" effectuée par Michelet.

Dans la préface à sa Bible de l'humanité, Michelet glisse rapidement sur les âges historiques, pour mieux développer sa vision des fils de la lumière et évoquer poétiquement sa soif d'un retour aux ancêtres, pour l'agrandissement intellectuel d'une humanité qu'il veut faire progresser. Même si Rétat évoque l'imaginaire de Michelet, la construction d'une "mémoire fictivement universelle", il faut peut-être insister sur la saveur des courts chapitres de la Bible de Michelet où tout a "l'air d'un véritable songe", ainsi lorsqu'il décrit la passion de Râma pour son épouse Sîtâ et le fatal enchantement dont Sîtâ est victime (I, chapitre 1), ou encore, dans "cette belle lumière de [End Page 196] Delphes", l'ombre persistante d'Hercule (I, chapitre 3). Il faudrait approfondir l'analyse de l'écriture passionnelle de Michelet, plus que jamais ici guidée, inspirée, par des images surgies des mythes, et par la mythologie toute personnelle de l'historien. En effet, encore et toujours, Michelet donne vie et chair à des personnages (plutôt que des personnes) en charge d'incarner sa vision (ou ses visions quasi hallucinées ?) de telle ou telle religion, géographie, ou de tel ou tel mythe: ainsi "la Vénus de Syrie", "l'amoureuse Syrienne", enfin cette "femme-poisson-colombe" (II, chapitre 2) qui symbolise dans l'esprit de Michelet l'union du mythe syrien de la fécondation et de l'amour avec la poésie.

La conclusion de la Bible de l'humanit...

pdf

Share