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  • Les Monuments de Paris sous la troisième République: contestation et commémoration du passé
  • Bertrand Bourgeois
Best, Janice . Les Monuments de Paris sous la troisième République: contestation et commémoration du passé. Paris: L'Harmattan, 2010. Pp. 284. ISBN 978-2-296-11413-5

Ont savait Janice Best spécialiste du naturalisme de Zola (voir en particulier son livre Adaptation et expérimentation: essai sur la méthode expérimentale d'Emile Zola, 1986, ainsi que plusieurs articles publiés dans les Cahiers naturalistes), du chronotope bakhtinien et de la censure au théâtre, c'est agréablement surpris qu'on la découvre à présent, historienne culturelle de Paris.

Dans cet ouvrage, Best interroge en effet l'histoire de Paris à la fin du dix-neuvième siècle en se penchant sur un phénomène jusqu'à présent peu étudié: la vague sans précédent d'érections de statues commémoratives sous la Troisième République. Elle [End Page 339] se situe à la fois dans le sillage des travaux sur l'histoire politique de la Commune et de la Troisième République (Agulhon, Nizet, Tartakowsky) et celui, moins connu, des historiens de l'art de la même période (Boime, Groud, Michalski, Przybós, Tilier) qui « nt commencé à analyser les effets de la Commune sur la définition de l'avant-garde artistique et de l'impressionnisme » (9). En étudiant la « statuomanie » qui s'empara de la Troisième République dès 1878, elle développe la thèse de son livre, à savoir que pendant les périodes d'instabilité politique, les monuments dans les espaces publics deviennent des lieux de débats idéologiques passionnément contestés. Pendant les premières années d'un nouveau régime, plusieurs factions rivalisent pour la légitimité. La commémoration du passé est un moyen efficace de gagner le contrôle du présent et de la façon de penser. (10)

Pour analyser cette narrativité à l'oeuvre dans les monuments, Best fait preuve d'une double originalité qui réside autant dans les sources historiques étudiées, que dans sa méthodologie théorique.

Les quatre sources documentaires qu'elle privilégie sont des textes jusqu'à présent négligés par les historiens: les procès verbaux du Conseil municipal de Paris, les conditions du concours, les rapports du jury et les comptes rendus d'inauguration dans les journaux. Ces documents normatifs et axiologiques révèlent les visions contradictoires du passé que partisans et opposants de la République veulent véhiculer dans les statues érigées: la volonté ou le refus de parer une statue de la République d'un bonnet phrygien ou le choix des attributs à conférer à Jeanne d'Arc dépassent de loin de simples préoccupations esthétiques (72-82).

Quant à la méthodologie adoptée, elle se démarque de celle traditionnellement privilégiée par les historiens : Best a recours aux outils de l'analyse du discours (Todorov) et notamment à la notion de « dialogisme double » (Bakhtine), afin d'analyser les discours contradictoires tenus sur et par les monuments dès lors considérés comme «des pratiques culturelles, produits d'un cadre socio-historique spécifique» (18). Les analyses de Best reposent sur le présupposé selon lequel un monument, comme tout objet culturel, est de « nature dialogique » (19) et s'oppose donc à une lecture unanime et monolithique de l'histoire commémorative.

Best ne prétend pas à l'exhaustivité, mais retient un corpus précis qui lui semble représentatif des luttes idéologiques, des tensions et des non-dits à l'oeuvre dans ces monuments depuis leur érection, à une époque où la République cherche encore à asseoir sa légitimité, jusqu'à leurs enjeux les plus actuels (90-93). Le premier chapitre traite des décisions concernant l'Hôtel de Ville et les Tuileries largement détruits durant la Commune: Best montre que derrière la reconstruction de l'Hôtel de Ville percent de claires velléités d'effacer le souvenir de la Commune, au moment même où les ruines du palais...

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