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  • Lettres à sa mère, tome III (1826–1830)
  • Morgan Gaulin
Quinet, Edgar. Lettres à sa mère, tome III (1826–1830). Edited by Simone Bernard-Griffiths and Gérard Peylet. Paris: Librairie Honoré Champion, 2003. Pp. 214. ISBN 2-7453-0795-9.

Edgar Quinet est un nom qui, bien qu'il fît l'objet de la plus grande estime au 19e siècle, ne reçoit plus guère d'attention de la part des lecteurs. En effet, d'une part, ses textes semblent contenir trop de concepts pour pouvoir prétendre attirer les littéraires et, d'autre part, les philosophes le tiennent à l'écart de leur panthéon parce qu'il s'est plu à écrire des romans, et à jouer avec les images. Bref, tous l'ont aujourd'hui désaffecté, et il ne donne plus guère envie aux éditeurs de lui consacrer un numéro de leur revue.

Le troisième tome des lettres à sa mère, établi sous la direction de Suzanne-Bernard Griffiths et Gérard Peylet, offre pourtant l'occasion de découvrir un intellectuel de tout premier ordre. Après avoir présenté Quinet arrivant à Paris, et délaissant l'idée de faire une carrière scientifique dans le premier tome (publié en 1995), le second tome (1821–1825) nous avait introduit au Quinet ayant découvert le philosophe Herder, et projetant de le traduire. Or, ce troisième tome nous montre Quinet, dès la fin du mois de décembre 1826, en Allemagne, cette Allemagne, doit-on préciser, qui fut ni plus ni moins, selon les mots de Peylet, qu'un lieu de renaissance (10–13) où Quinet a eu l'occasion d'approfondir sa pensée en des domaines aussi variés que la philosophie, l'histoire, l'histoire des religions et l'exégèse biblique.

Les raisons qui ont conduit Quinet vers l'Allemagne furent nombreuses, et Peylet s'est attaché à les présenter de la manière la plus claire possible. Il y eut d'abord la rencontre de l'œuvre de Herder, pour laquelle Quinet avait la plus haute estime; puis, sur le plan personnel, un amour qu'il dût fuir. Enfin, une passion de plus en plus marquée pour la philosophie et l'histoire. C'est à Heidelberg que Quinet décida donc de se former dans ces matières, c'est aussi à Heidelberg qu'il rencontra Minna Moré, pour laquelle il manifesta un amour d'adulte, calme et serein (8), et qui lui permit de se consacrer entièrement à ses recherches.

La formation de Quinet est redevable de plusieurs grands noms. C'est d'abord sous la gouverne de Friedrich Creuzer – philologue allemand (1771–1858), professeur à l'Université de Heidelberg, auteur, entre-autres, d'un essai intitulé Symbolique et mythologie [End Page 496] des peuples de l'Antiquité et surtout des Grecs – qu'il s'initia à la science allemande. Quinet a aussi évoqué le nom illustre de Schelling. Dans les lettres d'avril et de juillet 1828, il annonçait qu'il souhaitait rédiger un ouvrage sur l'influence de la philosophie schellingienne dans les arts et dans les sciences en Allemagne. Quinet mentionna aussi le nom, peu connu en France, de Johann Joseph von Goerres (1776–1848), dont on se souviendra que Villiers de l'Isle-Adam avait recommandé la lecture de l'essai La Mystique divine, naturelle et diabolique (Paris: Poussielgue-Rusand, trad. de Charles Sainte-Foi, 1854–1855, 5 vol., in-8) à Baudelaire. Un nom a priori inattendu sous la plume de Quinet est celui de Lorenz Oken (1778–1851), qui enseigna la philosophie de la nature à Iéna et à Munich. Oken dirigeait une revue scientifique nommée Isis, qui accueillait, sporadiquement, des articles sur la politique. Oken s'était disputé avec Schelling et Baader alors qu'il enseignait à Munich, et Goethe ne l'aimait guère à cause de son nationalisme virulent. La fréquentation de la philosophie de la nature d'Oken explique sans doute que Quinet se soit intéressé, après 1850, à des questions scientifiques telles que l'évolutionnisme darwinien.

C'est cette fréquentation assidue d'auteurs allemands qui permit...

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