In lieu of an abstract, here is a brief excerpt of the content:

Reviewed by:
  • Stendhal en sa correspondance ou “L’Histoire d’un esprit.”
  • Maryline Lukacher
Diaz, Brigitte. Stendhal en sa correspondance ou “L’Histoire d’un esprit.”Paris: Champion, 2003. Pp. 460. ISBN2-7453-0692-8

A la question, "quel œil peut se voir soi-même?" que posait Stendhal dans Vie de Henry Brulard, Brigitte Diaz repose la question, en se demandant: "est-ce qu'une correspondance révèle l'auteur?" (33) et n'y a-t-il pas dans Stendhal en sa correspondance une mystification inhérente au corpus stendhalien qui décevra toute attente du "pacte" biographique? Ce "refus du biographique,"titre du second chapitre, annonce l'absence de frontière entre l'écriture littéraire et l´écriture privée (60), et transgresse pour Barbey d'Aurevilly, spécialiste de "l'épistographie" (32), ce qui constitue les secrets de l'épistolier. L'intimité en question ne se révèlera qu'à partir de 1892, c'est-à-dire cinquante ans après la mort de Stendhal quand les lettres à sa sœur Pauline seront ajoutées sous le titre de Lettres intimes.

C'est au fur et à mesure que le corpus de lettres disponibles s'accroit que Diaz envisage la correspondance stendhalienne à la fois comme cure de désintoxication à l'ennui quotidien et formation œdipienne défiant l'ordre paternel. Dans cette communauté d'esprit et d'amour, le couple du frère et de la sœur, Henri-Pauline, a remplacé celui de la mère morte en couches et du père haï. Mais en plus de cette reconstitution familiale, fantasmée dans l'espace de la correspondance, les lettres d'Henri à sa sœur ont une valeur pédagogique non négligeables.

Ce sont les grands épistoliers et épistolières des xviie et xviiie siècles qu'il recommande à Pauline: "les Mémoires de Saint-Simon, de Retz, mais aussi de Mme de Caylus, de Mme de Motteville, du chevalier de Gramont, et, pour le xviiie, de Mme de Hausset, de Duclos, de Mme Roland . . ." (121). Pour Diaz, "les fruits de cette formation à distance qu'il propose à Pauline lui reviennent finalement plus qu'à elle" (223), montrant comment le but pédagogique des lettres à Pauline dans la tradition de Sénèque écrivant à Lucilius (222) est essentiellement la recherche de soi. A la limite, Pauline n'est qu'un prétexte à la formation du futur Stendhal, et à s'en convaincre, la fin de la correspondance entre le frère et la sœur montrera l'erreur d'Henri. Au mythe de l'élève surdouée, Stendhal transformera Pauline en une jeune femme mariée, terne et lourde "à la raison très froide." Mais c'est bien à cette école de la lettre que Stendhal va trouver un style, une formation, une aisance d'écriture qui va le mener à l'écriture du roman. Ce passage de la lettre au roman est favorisé, comme on le verra, par l'utilisation de la correspondance dans la fiction stendhalienne. [End Page 221]

En soulignant comment George Sand et Stendhal ont tous les deux trouvé dans les lettres, une "écriture en devenir, work in progress" (284), Diaz note que pas plus l'un que l'autre ne choisira un roman épistolaire pour faire leur rentrée dans le monde littéraire. Quelle place la lettre va-t-elle alors prendre dans la fiction stendhalienne et jusqu'où Stendhal va-t-il emprunter à l'esprit de la correspondance? Parce que "la lettre occupe une place cardinale dans presque toutes les constructions narratives inventées par Stendhal, nouvelles ou romans" (295), selon Diaz, que dans L'Abesse de Castro, Le Rouge et le noir, La Chartreuse de Parme et Lamiel, elle figure comme forme privilégiée de bons ou mauvais échanges entre les personnages. A cette liste, je voudrais ajouter le rôle curieusement négatif de la lettre, il est vrai, contrefaite, dans le premier roman de Stendhal, Armance. Si le pouvoir mortifère de la lettre marque le pouvoir absolu de celle-ci dans l'imagination de Stendhal, elle a aussi un pouvoir critique, essentiel à l'obtention de la vérité en littérature.

En...

pdf