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Nineteenth Century French Studies 29.3&4 (2001) 362-364



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Book Review

Le Mythe romantique de Merlin dans l'œuvre d'Edgar Quinet


Bernard-Griffiths, Simone. Le Mythe romantique de Merlin dans l'œuvre d'Edgar Quinet. Paris, Champion, bibliographie, index, table des matières analytique, 1999. Pp. 682. ISBN 2-7453-0050-4

Ce travail de mythocritique a le premier mérite d'attirer l'attention sur l'épopée trop oubliée de l'historien, philosophe et poète romantique du XIXème siècle, Edgar Quinet, et de donner par la même occasion des vues nombreuses sur le reste de l'œuvre, si abondante et variée. Il utilise aussi la correspondance, notamment les Lettres à sa mère, dont Mme Bernard-Griffiths a donné une édition, mais aussi les lettres à de nombreux correspondants, en particulier Michelet.

Mais cette étude est surtout une tentative particulièrement réussie pour montrer comment s'opère la création poétique à partir et grâce à un mythe, chez un écrivain qui est un homme avec ses douleurs et sa sensibilité particulière, dans une époque tourmentée, et un contexte politique et idéologique dont il est partie prenante, et avec une écriture originale. Il faut en effet, pour rendre compte de la création mythique propre à l'œuvre, tenir ensemble et tisser les fils qui relient le pôle personnel à l'histoire des hommes et des idées de sorte que se crée un mythe personnel qui est en même temps celui de l'époque romantique. On voit que la tâche n'était pas simple, et l'on ne peut qu'admirer la fermeté et la clarté de ce qui est une démonstration mais dans le même mouvement, une lecture sensible qui fait montre d'une véritable "sympathie" du regard critique, ce "regard surplombant" et ce "regard avec" chers à Starobinski.

Dans une première partie, Simone Bernard-Griffiths met en lumière la raison (qui n'est nullement rationnelle) du choix de la légende de Merlin, pour couronner une œuvre multiforme, qui avait déjà utilisé deux mythes, dans les années 1830: celui du Juif errant, dans Ahasverus, et celui de Prométhée. C'est que le "moi" de Quinet, l'exilé, enfermé dans ce qui est pour lui une prison, la Belgique puis la Suisse, ne peut "se reconnaître et se définir que grâce à une figure mythologique" (76), celle de Merlin enfermé dans son tombeau. Mais il fait de la légende une traduction personnelle [End Page 362] 362propre à rendre compte de sa vie d'enfant sans père, puis séparé de sa mère, toujours en quête de l'origine, et enfin de poète dont on cherche à étouffer les cris. Grâce à la superposition qu'opère avec soin Simone Bernard-Griffiths des textes légendaires, des œuvres autobiographiques, tout particulièrement la corres-pondance, et de la prose poétique de Merlin l'enchanteur, on voit se dessiner la figure d'un mythe singulier, où, par exemple, la rupture entre Merlin et Viviane traduit celle entre Quinet et Minna Moré. "Grâce à la vertu compensatoire de l'imaginaire, conclut en effet Simone Bemard-Griffiths, l'odyssée du moi n'a cessé de raconter l'aventure d'un personnage qui s'est plu à inverser l'exil en royaume, l'errance en quête, la mort en renaissance" (201).

Cette odyssée est aussi une "odyssée textuelle," comme le montre avec bonheur Simone Bernard-Griffiths, dans une démarche très originale, car très rarement entreprise dans le domaine de l'imaginaire, en tout cas jamais avec cette ampleur et cette précision. A partir des sources orientales, celtiques, et de la littérature bardique du XIXème siècle, et en s'appuyant aussi sur les états du texte, elle met en lumière le mécanisme même de la création mythique. Tout en éclairant l'extrême variété des...

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