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  • Fêter la copie, brouiller l'original : L'esthétique postmoderne de Perec et de Warhol
  • Priya Wadhera (bio)

I. Introduction

Toute la littérature consiste en références aux textes antérieurs. Cette condition exige l'existence du pastiche, entre autres pratiques intertextuelles. Selon Fredric Jameson, le pastiche est un élément essentiel de l'art à l'ère postmoderne2. Georges Perec, lors d'une conférence en 1967, évoque, lui, « une espèce de littérature qu'on peut appeler expérimentale, [ . . . ] citationnelle [ . . . et qui . . . ] entretient des rapports avec le pop art [ . . . ] où il n'est jamais question que de peindre quelque chose qui a déjà été peint, en le détournant de sa fonction »3. Une double interrogation se présente alors : dans quelle mesure l'œuvre de Perec s'accorde-t-elle à celle d'Andy Warhol, le « pape de l'art pop », et dans quelle mesure ces deux œuvres peuventelles [End Page 846] être qualifiées de postmodernes4 ? Cet article propose une réponse par une étude de la copie, point de convergence particulier entre ces deux figures légendaires du vingtième siècle qui nous aidera à mieux voir ce qui lie ces œuvres remarquables au-delà des frontières de genre, de pays, et de culture.

La copie, du latin médiéval copia, évoque à la fois l'imitation et l'énumération, toutes les deux abondantes chez Perec et Warhol. Si l'on remonte à l'époque médiévale, c'était un geste relégué aux scribes qui assuraient donc la dissémination et la préservation des textes. Mais force est de reconnaître en même temps que le terme copie et l'acte de copier ont évolué au cours du temps aussi bien dans le domaine de la littérature que dans celui de la peinture. Ce geste alors, qui n'est plus nécessaire, quel est-il, quel est le lien de son produit à l'original, et quelle valeur doit-on accorder à ce produit ?

Dans l'œuvre de Perec, l'intertextualité est explicitement liée à l'acte de copier5. Le narrateur du Voyage d'hiver (1980, désormais abrégé Voyage) découvre ainsi un texte, écrit par un inconnu, qui contient un grand nombre de citations non identifiées de grands auteurs. Or, au plus grand étonnement de ce narrateur, le texte en question antidate les œuvres majeures qu'il cite. Il n'y a qu'une conclusion possible : « Lautréamont, Germain Nouveau, Rimbaud, Corbière et pas mal d'autres n'étaient que les copistes d'un poète génial et méconnu qui, dans une œuvre unique, avait su rassembler la substance même dont allaient se nourrir après lui trois ou quatre générations d'auteurs ! »6. De la sorte, l'écrit copie l'écrit7. Quand on passe du domaine littéraire [End Page 847] à celui des arts plastiques, le geste se manifeste différemment, sans doute, mais nous proposons toutefois d'examiner la création artistique de Warhol à la lumière de l'œuvre de Perec dans l'espoir de pouvoir souligner leurs traits communs et l'importance de ce chevauchement.

II. Des copies chez Perec

« Je ne suis absolument pas critique d'art »8. Bien que ce constat, prononcé par Perec en 1981, soit vrai - il n'a jamais, après tout, écrit de critique d'art - il contredit l'originalité extraordinaire de son approche et la tentative qu'était la sienne de définir et de redéfinir le sens même de l'art dans la société contemporaine. En effet, ses œuvres, provocatrices, et qui examinent les mécanismes et les moyens de l'expression et de la création, soulèvent les questions les plus importantes de l'histoire de l'art. Cette méditation sur l'art atteint son apogée dans le dernier livre publié de son vivant, Un cabinet d'amateur : Histoire d'un tableau (1979, désormais abrégé Cabinet), lorsqu'il remet en question la nature même du vrai et du faux, dans le domaine de la peinture en particulier. Comme l'a remarqué Nelson...

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