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  • Le Discours de vraye philosophie demonstrative (1628) de Gabriel Poitevin et la tradition du matérialisme chrétien
  • Jean-Christophe Reymond (bio)
Sylvain Matton. Le Discours de vraye philosophie demonstrative (1628) de Gabriel Poitevin et la tradition du matérialisme chrétien. Paris: Honoré Champion, 2007. 395 pages. ISBN 2745316362.

Le Discours de vraye philosophie demonstrative. Specialement adressé à ceux, qui sans prejugé veulent examiner toutes choses, et sçavent discerner le vray du faux, paru à l’origine sans noms d’auteur et d’éditeur en 1628, représente un instrument de travail extrêmement précieux pour l’étude de l’histoire du « matérialisme chrétien » de la Renaissance aux Lumières et l’exploitation de cette tradition dans la littérature clandestine. Cette œuvre obscure est aujourd’hui redécouverte grâce à Sylvain Matton, premier historien de la philosophie à avoir décelé que le titre Preuve de la vraye philosophie demonstrative, que toute substance finie est corps cité par le cartésien Louis de La Forge dans son Traité de l’esprit de l’homme (Paris, 1666) se révélait erroné, et était en fait une référence inexacte au Discours de vraye philosophie demonstrative du médecin huguenot Gabriel Poitevin. Cet ouvrage est lui-même la traduction remaniée du Clangor Buccinae ad philosophos sublimiores que Poitvin a fait paraître sous son nom en 1624. L’un des principaux intérêts de cette édition est de nous offrir, en plus de sa clarté et de la richesse de son introduction et de ses sources, les deux versions du texte – latine et française – en regard, ce qui permet au lecteur de mesurer l’importance des retouches et modifications opérées par l’auteur.

Dans le Clangor Buccinae, Poitevin s’efforce de prouver de manière générique tout d’abord la corporalité de tous les êtres finis (âmes, pensées, anges, point mathématique, qualité, matière et forme) : Dieu seul, comme infini, étant incorporel. Ainsi, selon cet auteur, tout être fini est un corps (« omne ens finitum esse corpus »). Sa démonstration débute par une définition des notions intervenant dans sa première proposition : le corps et l’esprit, le fini et l’infini. L’esprit se définit par des propriétés contraires : il n’est pas étendu, il est sans partie, indivisible. Poitevin énonce ensuite huit propositions qui découlent toutes de la nature de l’esprit et du corps. Les premières établissent les rapports entre les deux manifestations de l’être : l’être simple est par soi et premier ; l’être composé en dépend. Les deux propositions suivantes s’attachent quant à elles à penser le corpus finitum comme un tout composé de parties, les deux dernières établissant qu’aucun corps fini n’est simple et que les termes fini et simple s’excluent mutuellement de sorte que le fini ne peut pas devenir infini par ses changements, ni l’infini fini, étant lui-même immuable. Ces définitions permettent à Poitevin de procéder à la construction [End Page 972] syllogistique de deux théorèmes : aucun être fini n’est indivisible ; tout être fini est corps.

La première proposition de cet ouvrage tend ainsi à démontrer qu’un être fini ne saurait être esprit ; l’infini étant indivisible, il n’a ni partie, ni terme. L’être fini a, par définition, un terme et donc des parties. De fait, tout être fini, quel qu’il soit, est composé de parties. Avec sa seconde démonstration, Poitevin cherche à prouver que tout être fini est étendu. Qu’il a des dimensions et des parties. Qu’il se meut et peut être mu. Autant de propriétés qui définissent le corps selon le Clangor Buccinae. Ces propositions aboutiront à la conclusion de l’ouvrage : « Ergo omnes ens finitum et corpus : ergo omnis Angelus, omnis materia, omnis forma, et omne accidens est corpus » (I, 17 ; 252). Dans son éclairante préface, Miguel Benitez s’attache brillamment à expliciter le système philosophique de Poitevin qu’il ramène à une forme de panthéisme tout en mettant l’accent sur les limites...

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