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  • L'Écriture du scepticisme chez Montaigne: Actes des journées d'étude (15-16 novembre 2001)
  • Reinier Leushuis
Marie-Luce Demonet et Alain Legros, eds. L'Écriture du scepticisme chez Montaigne: Actes des journées d'étude (15-16 novembre 2001). Genève: Droz, 2004. Travaux d'Humanisme et Renaissance CCCLXXXV. Pp. 347

Cet ensemble d'études propose, dans une approche à la fois philosophique et littéraire, de réexaminer la 'mise en discours' du scepticisme dans le texte montaignien (défini au sens large: les Essais aussi bien que l'abondance de 'textes' moins évidents tels que les inscriptions sur les poutres de sa bibliothèque, la lettre sur la mort de La Boétie, etc.). Plus précisément, comme indique Alain Legros dans l'Introduction, comment le scepticisme chez Montaigne «s'exerçait[-il] [End Page 109] à partir des discours en usage [de] la théologie, le droit, la médecine» (8)? Legros et Demonet ont regroupé les contributions en quatre unités thématiques dont les titres quelque peu abstraits permettent une riche variété de points de vue et d'approches.

Dans la première série, «Traits», les chercheurs épluchent le texte montaignien pour repérer ses 'traits' sceptiques. John O'Brien décortique les brusques «revirements» de la pensée de l'auteur (14) qui fonctionnent comme des antidotes contre le dogmatisme, et qu'un Montaigne 'médecin sceptique' administre dans son texte pour opérer une «hygiène intellectuelle» (19). Deux contributions analysent ensuite les «voix sceptiques» (les phônai skeptikai tels que «je suspends mon jugement»), Kirsti Sellevold en les contrastant à l'usage d'expressions modalisantes générales («à l'avanture»), et Alain Legros en proposant que celles inscrites dans les poutres de sa bibliothèque dialoguent avec les avoisinantes sentences bibliques, «colloque» (39) dont le résultat se cristallise dans l'écriture de L'Apologie de Raymond Sebond. Sylvia Giocanti se penche sur la fréquence du mot 'Dieu' dans le texte de celui qui se croyait chrétien au même titre qu'il était périgourdin: sa pratique sceptique réduit le mot à un phénomène de langage et de culture et libère une curiosité humaine qui permet de «penser et vivre sceptiquement» (71). Enfin, la confrontation que fait Mireille Habert de la traduction montaignienne avec l'original de la Théologie naturelle de Sebond révèle des écarts indicatifs d'une véritable mise en question de la «déduction naturelle» pour penser les dogmes de la foi (105).

La deuxième partie, «Conférences», se place sous le signe de l'intertextualité. Jean-Claude Margolin et Bruno Pinchard proposent des études comparatives qui jaugent l'apport des humanistes Érasme et Cajétan. Margolin compare le scepticisme de Montaigne à celui d'Érasme: si les deux partagent une «écriture de l'opinion» de type «dialogique et interrogatif» (127), le Bordelais et le Hollandais divergent en ce qui concerne l'importance de l'opinion au niveau théologique (croyance). Pinchard éclaircit l'obsession montaignienne du commentaire («nous ne faisons que nous entregloser») au moyen d'une lecture comparative avec la notion thomiste du commentaire que pratique Cajétan. Les trois études suivantes mesurent la portée du discours juridique. Selon Stéphan Geonget, Montaigne s'interroge sur des cas de perplexité néfaste dans un cadre judi-ciaire et théologique, tout en nous laissant l'espoir d'atteindre une «tranquille indifférence sceptique» (156). Olivier Guerrier examine la mesure dans laquelle les définitions du terme 'possible' dans les lexiques juridiques de l'époque nous aident à comprendre la façon montaignienne de rendre témoignage, tandis que Katherine Almquist soutient que pour résoudre la tension entre stoïcisme et scepticisme (obéissons-nous à des «idées innées», si corrompues par les passions soient-elles, ou acceptons-nous que celles-ci n'existent pas et que nos lois sont des «codes muables» [170] ?) Montaigne propose que nous ne pouvons qu'imaginer les certitudes innées, ce qui justifie pourtant d'en faire des lois. Enfin pour Philippe Desan, Montaigne s'écarte du vrai scepticisme car son doute n'est pas une abstraction...

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