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Book Reviews Jean-Luc Steinmetz. Stéphane Mallarmé. L'absolu au jour le jour. Paris: Editions Fayard, 1998. Pp. 616. Non du tout, il l'eût dit, une de ces «biographies d'ici», riche en anecdotes. Mais la vie, tout simplement. Et d'un homme, de surcroît, qui n'y crut jamais tout à fait. Qui, sans défaillance, se sera maintenu en arrêt sur les frontières du réel. Les frontières, tels sont précisément les lieux que, dans ce livre de plein air, explore JeanLuc Steinmetz. Avec un bonheur que l'on ne s'expliquerait pas, si l'on ne sentait très vite que les lieux seuls, sans doute, lui parlent. Bien plus que les moments, en tout cas. Mais de moments, fort heureusement, la vie, pour Mallarmé, ne fut guère prodigue. Jusqu'à l'œuvre elle-même (thèse, hypothèse), l'œuvre qui, en l'espèce, n'est plus qu'un cas du lieu. Casus, autrement dit l'accident, l'attribut non nécessaire. Mais aussi la flexion, ce qui s'ajoute à la racine, sa désinence. L'Azur, Brise marine, Hérodiade ou Le Démon de l'analogie, ainsi un même lieu, ainsi une même racine se déclinent-ils, et c'est la première déclinaison. Mallarmé est à Tournon. Bise, jours moroses. Au loin, la neige des montagnes. Sa pensée se raréfie, elle durcit ses arêtes, s'abstrait en de longues nuits d'écriture dont le creusement du vers aveugle «dans l'inconnu de la syntaxe et du sens» trouble à peine le silence. Les poissons d'or se sont éteints, les bengalis, l'oiseau bleu, qui sont les lampes de ses jours. Et, comme chaque soir à Tournon, l'heure terrible a sonné de la lutte avec l'ange. Celui qui porte le masque de sa Béatrice, et dont le vrai nom est Destruction; celui qui n'a pas de nom et η'en aura jamais. Le grand rêve impossible d'une explication orphique de la Terre en un livre total, et qui ne pouvait en effet s'élaborer que là , comme à la verticale du lieu. Dans l'au-delà des nuits et des minuits, tandis que, sur la chambre de Tournon où, terrassé par l'Impuissance, Mallarmé n'en finit pas de naître, «pivote l'univers». Puis, deuxième station, c'est la quarantaine bisontine: Mallarmé «fait le mort», écrit JeanLuc Steinmetz. Avignon enfin, qui est son Pont-Euxin. La fiole d'Igitur brille sur la table, et avec elle la tentation du suicide. Comme si, parvenu au terme de ses métamorphoses, à l'issue du dédale des chambres funéraires où, pour «alimenter le fourneau du Grand Œuvre», depuis Tournon, il procédait sur lui-même à d'infinies, à de méticuleuses mutations—ayant bu «la goutte de néant qui manque à la mer», Mallarmé avait dépouillé l'ultime chrysalide. Cependant que, là bas , sur les rives de la Seine, momie tout juste démaillotée dans les brumes du matin, le papillon de Valvins s'offrait comme une apparition «au plus humble des Narcisses». A cette étincelle jaillie du fourreau de la nuit, tel Monet à Giverny, Mallarmé en effet venait d'acquérir la certitude d'avoir trouvé son biotope. Du plus loin qu'il se souvînt, il lui semblait tout à coup qu'il n'aurait eu au fond qu'à suivre «l'aile et la gaze de sa chimère», Valvins était au bout, une aire géographique enfin à sa mesure, et l'occasion pour Jean-Luc Steinmetz de ses plus belles pages. Valvins qui, tous deux en somme, les attendait, «O Saisons, ô Châteaux!». Echouée sur la berge comme la barque légendaire des rhapsodies gitanes, la maison de Valvins que Mallarmé eût reconnue entre toutes, avec ses trois Maries, ces trois formes de l'absence qui seraient ses lares tranquilles, sœur, femme, maîtresse, unies déjà en trinité dans le seul nom de ses propriétaires, «les Mary, si gentils pour les enfants», et où, jalousement, «ermite dans le verger», il allait se retirer jusqu'à la...

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