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Clivage Stéphane Spoiden —Sont-ils donc en guerre? —Oui. Contre les femmes parce qu'elles sont plus faibles et ils usent donc de leur force contre elles1. Ils sont contents d'être ensemble, ils échangent de bonnes vannes, ils ont une activité commune, un ennemi commun. Jusqu'où comptent-ils aller pour se prouver qu'ils sont ensemble? Est-ce qu'ils vont leur ouvrir le ventre ou leur enfoncer un canon de carabine bien profond et les exploser de l'intérieur? Combien de temps ça va les amuser de les mettre en racontant des conneries?2 On se prêtait une fille comme on se prête un CD ou un pull. On la faisait «tourner» comme un joint. On faisait participer des animaux, on utilisait toutes sortes d'objets pour corser l'affaire1. APRÈS L'EROTIQUE, IL Y EUT le pornographique, notamment avec Romance de Catherine Breillat et Baise-moi de Virginie Despentes et Coralie Trinh Thi4. Plus précisément, il y eut avec ces films l'effacement de la ligne entre cinéma traditionnel et cinéma pornographique dans le bousculement des codes esthétiques le plus important de ces dernières années en cinéma. Mais, en deçà de l'innovation cinématographique qui dénonçait l'hypocrisie liée à l'érotisme bourgeois, que nous dit cette nouvelle représentation du sexuel à propos du sexuel lui-même? Quel diagnostic sur «les souffrances et les drames liés aux relations entre les sexes»5 Breillat et Despentes portent-elles à travers leurs œuvres aussi bien littéraires que cinématographiques? Et, secondairement, que nous enseignent ces témoignages—mots et images—-sur notre époque? Le moins que l'on puisse dire est que se dégage de ces œuvres un triste bilan de mésentente entre les sexes et de misère sexuelle rampante. Un bilan qui fait étrangement écho à la faillite de la sexualité occidentale constatée d'un point de vue masculin dans les romans de Michel Houellebecq6. Il est symptomatique que les trois auteurs et réalisatrices susmentionnés, qui figurent parmi les plus populaires mais également les plus controversés de ces dernières années en France, examinent le même terrain relationnel du sexuel et conviennent d'un état des lieux qui tranche furieusement avec la notion préconçue et largement partagée que règne en France une entente entre les sexes inégalée ailleurs. S'agirait-il donc d'un ultime résidu d'une exception française, qui par ailleurs prend eau de toute part, ou carrément un vœux pieux face à une guerre des sexes latente ou effective qu'en France l'on 70 Fall 2004 Spoiden dénonce volontiers dans les sociétés anglo-saxonnes? C'est sous cet angle que je propose de ré-examiner les œuvres de Despentes et Breillat. Je tenterai d'établir un lien entre la violence sexuelle instituée et banalisée que décrivent ces deux cinéastes/écrivaines et le phénomène croissant dit «des tournantes», c'est-à -dire des viols en réunion (gang rapes) qui, selon la presse et les rapports de police, ont lieu le plus souvent dans les sous-sols des banlieues appauvries. Pour ce faire, j'aurai recours à l'ouvrage autobiographique de Samira Bellil, Dans l'enfer des tournantes. C'est donc à une analyse en parall èle de la misère sexuelle bourgeoise évoquée par Breillat, de la prostitution et de la violence banlieusardes mises en scène par Despentes et de l'univers des tournantes vécu par Bellil que cet essai sera consacré. Il est d'emblée troublant de noter chez Breillat et Despentes que des ouvrages exposant la sexualité féminine d'un point de vue féminin accordent une place primordiale au viol. Sa présence est telle dans toute discussion de la sexualité féminine que le viol s'impose de fait comme fil conducteur à travers les trois œuvres discutées dans cet essai. Dit autrement, le viol constitue au regard des Breillat, Despentes, et Bellil le topos qui caractérise les relations entre hommes et...

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