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Les campagnes camusiennes Sjef Houppermans Tout château, en ce sens, est un Château de l'âme. Mais certains châteaux le sont plus que d'autres. Le Roure l'est par excellence. Autant qu'à ce qu'il est, il le doit à ce qu'il voit Cependant voir et être ne sont pas deux concepts très distincts, dans son cas; ni deux modes d'exister aux frontières bien marquées. Entre Le Roure et La Garde-Guérin, une métaphore observe une métaphore: railleurs pointe vers Tailleurs; un bastion de l'âme contemple une de ses citadelles. A cet échange amiel', le paysage, déjà passablement abstrait, et sublime, on espère l'avoir fait sentir, se sublimise encore, et s'épure un peu davantage. Par solidarité humorale avec l'air, nous nous métaphorisons aussi: pure idée de nous-même, mais pour une fois presque habitable. Le désir demeure, par chance, qui nous sauve loyalement d'un excès d'abstraction. Désir de la terre, de ses chemins, de ses rencontres et des rochers. Odeur du temps brin de bruyère. J... et souviens-toi queje t'attends. L'espace a son désir aussi, et c'est sans doute la lumière. —Renaud Camus, Le Département de la Lozère* CES QUELQUES LIGNES empruntées au livre de Renaud Camus intitul é Le Département de la Lozère, nous mènent d'emblée au cœur de son univers autant spatial que spirituel, où le désir se marie à la vue, où le voyageur solitaire est conjointement promeneur de l'âme et conquistador de la beauté. Dans la littérature française de ces vingt dernières années on constate un intérêt renouvelé pour la campagne, non seulement en tant que toile de fond de romans régionaux un tantinet archaïques, mais également comme réaction à la constatation que la disparition accélérée des «pays» d'autrefois dans ce qu'ils signifient comme réservoirs d'histoire et de culture menace de déshériter les générations futures d'un patrimoine séculaire. Dans les romans de Richard Millet par exemple (notamment dans la belle trilogie que constituent La Gloire des Pythre, L'Amour des trois sœurs Piale et Lauve le pur) l'histoire des habitants du plateau de Millevaches permet de montrer dans une écriture d'une grande pertinence matérielle comment ce pays incarne une mémoire millénaire et permet de revivre les mytiies et les légendes des origines . Cette littérature est pour le domaine des signes une réserve inestimable de germes et de plants. Pierre Bergounioux lui aussi ne cesse de rappeler comment la jeunesse de la terre dans sa Corrèze primitive s'harmonise intimement avec les secrets de l'enfance et le balbutiement des premiers mots. Rendre à la langue son histoire et sa genèse, la révéler comme organisme vivant contrastant avec les artefacts que charrie une société anémiée, c'est Vol. XLII, No. 2 85 L'Esprit Créateur également de cette manière-là que se propose dans toute sa richesse la prose de Pierre Michon. Dans ses livres méticuleusement burinés, il propose une stratification plurielle du passé, où l'énigme des existences se faufile dans la faille des phrases, qu'il s'agisse des Vies minuscules ou des personnages de La Grande Beune qui, par une proximité se muant de spatiale en métaphysique, vivent leur désir et leur misère au même rytiime que les figures des dessins rupestres de Lascaux. Cette nouvelle attention donnée à la campagne permet aussi d'ailleurs de se souvenir de certains prédécesseurs comme Ramuz ou encore Henri Pourrai (que Renaud Camus honore dans son livre sur la Lozère). Elle est apparentée d'autre part à une tendance plus générale qui insiste de nouveau sur la tâche de mémorisation qui incombe à la littérature, qu'on pense à l'œuvre de Pascal Quignard, à celle de Claude Simon (avec l'admirable Tramway apparu au tournant des...

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