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La Guerre d'Algérie dans l'œuvre cinématographique et littéraire d'Assia Djebar Jeanne-Marie Clerc LES PREMIERS ROMANS D'ASSIA DJEBAR se voulaient «intemporels ». La Soif puis Les Impatients furent conçus comme des «récits tournant le dos à l'actualité». D'une part, du fait de la volonté de l'auteure de ne pas s'impliquer autobiographiquement et donc de ne pas faire état de ce qu'elle était en train de vivre, même de loin, c'est-à -dire la guerre d'indépendance. D'autre part, du fait de son utilisation de la langue française comme «un voile» cachant ce qui lui semblait l'essentiel. Mais, déjà , Les Enfants du nouveau monde, par leur titre même, et par les nombreuses allusions faites à la guerre, brisaient ce tabou de l'absence de référentialité historique . Le livre, écrit en 1960, publié deux ans plus tard, aspirait à montrer l'émergence du monde neuf enfanté par la lutte de libération nationale. Il portait en exergue ce fragment d'un poème d'Eluard: Et pourtant de douleurs en courage en confiance S'amassent des enfants nouveaux Qui n'ont plus peur de rien pas même de nos maîtres Tant l'avenir leur parait beau. Le livre est enraciné dans l'actualité du moment, avec des évocations qui reviendront plus tard dans le film La Nouba des femmes du Mont Chenoua, puis dans le roman L'Amour, la fantasia, tels des sortes de leit-motiv archétypaux symbolisant la guerre: «la montagne dans les feux de la lutte», mais aussi «la canonnade proche», la garde pouvant «survenir à tout moment», la torture. Cette actualité est cependant présentée, le plus souvent, à travers un regard qui la transforme en Histoire en en soulignant les implications pour l'évolution de la société à venir. Ainsi, par exemple, on voit comment la relation entre hommes et femmes se trouve imperceptiblement ébranlée, malgré la claustration protectrice de l'épouse, par les échos assourdis de la peur du mari: Il arrive aux femmes qui, dans la fraîcheur de leur chambre, ne bougent pas, de se tendre un instant, les yeux grands ouverts, le regard fixe, avec une palpitation enfantine, et d'imaginer leur mari debout contre un mur, au soleil de midi, secoué sans doute d'une peur qu'il doit s'efforcer de ne pas révéler, mais que l'épouse retrouve en lui, le soir, lorsque tout est fini'. Vol. XLI, No. 4 89 L'Esprit Créateur Même s'il ne s'agit que d'un «bref tressaillement de surface», cette peur devin ée derrière le «calme dédaigneux» est une atteinte à la virilité triomphante de celui qui dirige la maisonnée et impose son autorité incontestable à l'épouse soumise. L'aventure de Chérifa, osant sortir de chez elle pour prévenir son mari du danger qui le menace, est révélatrice de la «découverte d'elles-mêmes» faite par les femmes au contact de cette peur des hommes. Les risques encourus par eux et qu'elles réussiront à partager, constituera une valorisation neuve du rôle qu'elles se montrent capables d'assumer et que leur génération n'avait pas soupçonnée: La nécessité de prévenir Youssef et pour cela de sortir de la maison, de s'exposer à la rue, de courir dans la ville, l'acharnement qu'elle a mis à ne pas se sentir humiliée par le regard des hommes dans les cafés, à trouver malgré tout son chemin (...), toutes ces sensations violentes qui ont alimenté sa volonté de plus en plus tendue et qui, de plus en plus, la découvraient à elle même, l'ont introduite dans un état second. (228) Chérifa apprendra par Youssef que des filles sont engagées au maquis. Déjà s'amorce dans l'œuvre ce thème fondamental de l'émancipation des femmes par la guerre, que l'on retrouvera dans les interviews du film La Nouba et dans les voix de la dernière partie de L'Amour, la fantasia. Ce thème est évoqu...

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