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Des clichés et des villes, entre Paris et Los Angeles* Françoise Lionnet PARIS, VILLE LUMIÈRE, VILLE SPECTACLE, et capitale de la francophonie ? Sans doute, mais les enjeux ont toujours été plus complexes que ne le suggèrent ces clichés. La francophonie a toujours été une identité-monde, et les articles rassemblés ici explorent la culture urbaine de tous les continents. Quel rôle joue aujourd'hui cette francophonie élargie dans la mouvance de la globalisation? Comment les différentes cultures régionales du monde francophone viennent-elles transformer la création artistique, cinématographique et littéraire? Et quelle est la contribution des immigrés et des minorités nationales à la vie culturelle et économique de l'hexagone et des autres pays francophones qui les reçoivent avec plus ou moins d'hospitalité? Au début du premier roman de Maryse Condé, Heremakhonon (1976), la narratrice, sarcastique, imagine la réponse qu'elle pourrait donner aux Africains qui veulent en savoir plus sur Paris: —Si Mademoiselle voulait parler de Paris?... De Paris! Non, pas moi. Dites à vos frères de le faire. L'un d'eux balaie la rue de l'Université... Paris? Que vous dirais-je de Paris? Mon Paris, de toute façon, ne serait pas le vôtre. Pour vous les hautes poubelles de plastique sombre, et les courtes vestes qui paraissent phosphorescentes avant le lever du soleil. Pour vous les week-ends vides à flipper dans les cafés dont le patron fait la gueule.1 C'est également sur ce personnage de balayeur de rue que le roman se termine lorsque la narratrice rentre à Paris, au printemps, après son voyage initiatique en Afrique: «C'est le printemps à Paris en ce moment. Le printemps? Alors le balayeur de la rue de l'Université aura ôté ce gros pull-over bleu à col roulé qui apparaît sous sa blouse» (312). Dès ce premier roman, Condé situe les vrais enjeux de la francophonie et de la globalisation, utilisant cette figure du travailleur immigré pour répondre d'avance aux questions que poseront vingtcinq ans plus tard urbanistes et sociologues de la mondialisation. Ecoutons Saskia Sassen qui déclare que de Paris à Tokyo en passant par Los Angeles: The city has indeed emerged as a site for new claims: by global capital, which uses the city as «organizational commodity», but also by disadvantaged sectors of the urban population, which in large cities are frequently as internationalized a presence as is capital. The denationalization of urban space and the formation of new claims centered on transnational actors and involving contestation raise the question: whose city is it?2 Vol. XLI, No. 3 3 L'Esprit Créateur A qui appartiennent aujourd'hui les espaces urbains du globe? Sans doute à tous ces nouveaux immigrants, tel ce balayeur, qui en font la richesse économique et culturelle en s'y investissant eux-mêmes et en en transformant les enjeux politiques et esthétiques. Le balayeur de rue est une figure parmi d'autres dans une œuvre qui traverse trois continents. Les romans de Condé représentent pour moi une trajectoire exemplaire de transnationalisme. Ils combinent contestation et ouverture, mémoire culturelle et prise de parole militante. Car Maryse Condé déteste les clichés. De l'œuvre romanesque et critique aux interviews qu'elle a accordées, elle le répète de diverses façons: elle se veut ironique, moqueuse, ou sarcastique; elle a éprouvé un besoin constant de «déranger tout le monde... [d'Jembêter les gens, pour dire les choses que les gens n'ont pas eu envie de voir jusqu'à maintenant»3. C'est ce qui attire le plus chez elle: son indépendance, son désir de provoquer, non pas gratuitement , mais dans le but de faire réfléchir, d'aller à contre-courant, de faire jaillir une nouvelle perspective, et de faire entendre des sons trop souvent assourdis par le vacarme du conformisme. Mais paradoxalement, pour beaucoup de lecteurs, une première «rencontre» avec Maryse Condé passe par le cliché ou l'image, c'est-à -dire, l'icône qui fait écho à sa réputation, qui passe sur un...

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