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  • Lignes de front. Bande dessinée et totalitarisme by Viviane Alary, Benoît Mitaine
  • Jean-Matthieu Méon
Viviane Alary, Benoît Mitaine (dir.). - Lignes de front. Bande dessinée et totalitarisme. Chêne-Bourg, Georg Éditeur, 2011, 340 pages. « L’Équinoxe ».

À la suite d’un colloque qui s’est tenu à Cerisy en 2010, Viviane Alary et Benoît Mitaine ont rassemblé seize contributions d’historiens, de sémiologues, de linguistes, de littéraires et d’éditeurs explorant les différents liens entre bande dessinée, totalitarisme et guerre. Les auteurs entendent ainsi aborder d’un même mouvement « l’histoire d’un art » et « l’histoire d’un siècle » saisie à travers cet « art de la trace » qu’est la bande dessinée (p. 14).

L’ouvrage s’organise en deux temps (p. 339–340). Tout d’abord sont analysées « l’émergence et la constitution » du récit de guerre en bande dessinée comme « genre » : le récit de guerre apparaît comme une « fabrique » et un « miroir » des « imaginaires nationaux », tels qu’ils se sont forgés depuis le début de la Seconde Guerre mondiale. Différents contextes politiques et éditoriaux de cette émergence sont ainsi présentés : de la dictature fasciste italienne (Mariella Colin) ou franquiste (Guy Abel, Antonio Martín) aux démocraties américaine (Pierre Fresnault-Deruelle) et britannique (Renée Dickason) en passant par Lyon et la zone libre (Philippe Videlier). Dans la seconde partie de l’ouvrage, le genre est considéré sous l’angle de la « rénovation » et de la « déconstruction » qu’en opèrent certains auteurs pionniers tels que Tardi en France (Vincent Marie) ou Carlos Giménez (Danielle Corrado) et El Cubri (Benoît Mitaine) en Espagne. De cette rénovation émergent de nouvelles esthétiques, de nouvelles constructions des récits et de leurs liens à l’histoire (Paul Gravett, Jacques Samson, Lucía Miranda Morla, Philippe Marion, Viviane Alary). À travers la diversité de ces chapitres, les auteurs développent de manière cohérente un réel propos, appuyé sur des partis pris intéressants et offrant de vrais éclairages sur leurs objets.

Lignes de front traite avant tout de bande dessinée mais ses apports vont au-delà, éclairant des périodes historiques spécifiques et la façon de les restituer. L’ouvrage donne ainsi des illustrations historiques précises des contraintes pesant sur toute production culturelle dans des contextes marqués par la prégnance de l’idéologie et l’autoritarisme : le dirigisme et l’instrumentalisation propagandiste, dans les thèmes, vantant l’héroïsme guerrier et les actions du régime, mais aussi dans les aspects formels les plus précis – tels que la disqualification du recours aux bulles dans les bandes publiées dans l’Italie fasciste qu’évoque Mariella Colin –, et leur pendant, la répression des auteurs et éditeurs qui ne s’y conforment pas. De manière plus fondamentale, les contributions rendent visibles la diversité et la complexité des articulations entre histoire et mémoire, entre démarche historienne, témoignage et fiction. L’histoire peut fonctionner comme simple prétexte ou décor à la fiction et à l’aventure : c’est le genre du récit de guerre, qui a connu un succès important, notamment en Grande-Bretagne (Renée Dickason) et en France (Philippe Videlier). [End Page 133] Ou bien le travail sur le témoignage (Emmanuel Guibert, présenté par Jacques Samson) et la mémoire, individuelle, familiale ou collective chez Tardi (Vincent Marie) et Carlos Giménez (Danielle Corrado), peuvent être les fondements d’une évocation incarnée et engagée de l’Histoire.

C’est cependant sur l’histoire de la bande dessinée que Lignes de front apporte le plus. En la matière, on peut dégager des différentes contributions au moins deux hypothèses principales. Premièrement, les constats formulés à propos de la bande dessinée de guerre permettent de définir et d’illustrer une évolution générale de cette forme d’expression. L’histoire de la bande dessinée apparaît comme celle d’une auto-nomisation artistique...

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